Ce lundi 25 janvier, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de la capitale yéménite pour protester contre l’ingérence des États-Unis, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis dans le cadre de la journée internationale d’action pour le Yémen.
Les rues de Sana’a ont ainsi vu défiler des cortèges massifs tout au long de l’après-midi, clamant « L’Amérique est la mère du terrorisme », « Qui tue le peuple yéménite ? L’Amérique » ou encore « Mort à l’Amérique ». La journée de mobilisation été suivie de manière plus diffuse dans le reste du sud Yémen, comme par exemple dans la région de Raima, où des milliers de yéménites ont appelé à un retrait de la Coalition menée par l’Arabie saoudite, soutenue entre autres par les États-Unis et la France.
Depuis près de 6 ans, l’administration Obama puis l’administration Trump ont tour à tour offert un appui diplomatique, logistique, financier et militaire à l’ingérence saoudienne au Yémen. L’engagement US s’inscrit dans la perspective d’un renforcement de l’alliance avec Riyad face à l’Iran afin de préserver leurs intérêts géostratégiques (et notamment énergétiques) dans la région, tout en leur offrant de juteuses garanties contractuelles en matière de vente d’armes.
C’est également en ce sens qu’il convient d’interpréter le soutien français à la Coalition Arabie Saoudite / Émirats, complicité épinglée à de nombreuses reprises par une pluralité de rapports internationaux. En 2019, la France a respectivement vendu pour 1,379 milliards d’euros et pour plus de 287 millions d’euros de matériels de guerre à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis, faisant de ces États les 2e et 5e principaux partenaires commerciaux du gouvernement Macron en matière de défense et d’armement. L’exportation massive des équipements militaires français utilisés de manière offensive au Yémen par les forces d’occupation, à l’image des canons CAESAR, des chars Leclerc ou des Mirages 2000-9, stimulent les modalités d’accumulation impérialiste du capitalisme sécuritaire en s’appuyant sur l’écrasement du peuple yéménite1.
Cette journée de mobilisations massives intervient deux semaines après la désignation du mouvement houthi comme « organisation terroriste » par l’ancien secrétaire d’État US Mike Pompeo. S’inscrivant en continuité avec la politique de « pression maximale » visant le régime iranien, cette mesure prolonge une stratégie de ciblage systématique des populations civiles yéménites dans cette guerre d’agression qui constitue « la pire crise humanitaire du monde » selon l’ONU.
Aujourd’hui, près de 80% de la population vit de l’aide humanitaire (soutien dont la faisabilité a été remise en question par le classement « terroriste » du mouvement houthi par l’administration Trump). La propagation des pandémies est facilitée par les bombardement incessants, touchant les infrastructures civiles (écoles, hôpitaux, entrepôts alimentaires, zones agricoles). Le peuple yéménite subit actuellement la pire épidémie de choléra jamais enregistrée et la diffusion effrénée du Covid-19, faisant des dizaines de milliers de victimes.
Face à l’impérialisme, à sa violence et à ses conséquences mortifères, il s’agit de dénoncer l’ingérence des puissances occidentales depuis leur coeur, d’identifier leurs alliés et de développer une pluralité de formes solidarité concrètes avec les peuples en lutte.
Ainsi, comme le résume Amilcar Cabral : « Il faudrait soutenir matériellement les mouvements de libération authentiquement révolutionnaires : étude et analyse des mouvements sur place, lutte par tous les moyens possibles contre tout ce qui peut être utilisé pour la répression contre nos peuples. »
#USMotherOfTerrorism
#DayofAction4Yemen
- Nous avons déjà eu l’occasion de pointer l’hypocrisie du discours occidental de la « guerre contre le terrorisme ». Le Yémen offre de ce point de vue un cas d’école, de nombreuses enquêtes ayant mis en évidence l’alliance anti-Houthis qui s’est nouée sur le terrain entre les milices d’Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) et les forces de la coalition. En armant l’Arabie Saoudite, la France et les autres puissances occidentales non seulement se rendent complices de crimes de guerre mais participent au renforcement de ces mêmes djihadistes qu’elles désignent par ailleurs comme leur ennemi principal.