Plus jamais Poway, Christchurch, Pittsburgh

Au dernier jour de la Pâque juive, ce samedi 26 avril, un homme armé d’un fusil d’assaut a ouvert le feu dans une synagogue à Poway, près de San Diego en Californie. La fusillade a provoqué la mort d’une personne et en a blessé trois autres.

Nous  pouvons relier ce crime lâche et haineux à au moins deux événements récents : la fusillade dans la synagogue de Pittsburgh qui a fait onze mort-e-s et six blessé-e-s le 27 octobre 2018, et l’attaque islamophobe visant les deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande le 15 mars 2019, lors de laquelle le tireur avait causé la mort de cinquante personnes et blessé cinquante autres.

Plus jamais Poway, Christchurch, Pittsburgh
Affiche raciste représentant George Soros (bête noire des antisémites) entouré d’une cohorte de juif-ve-s et de « good goys » complotant contre l’Amérique blanche.

Tous ces attentats portent la marque du suprémacisme blanc. Robert Bowers, responsable de la pire tuerie antisémite de l’histoire des Etats-Unis à Pittsburgh, avait rapidement été identifié comme membre actif du réseau social Gab, un refuge de suprémacistes. Brenton Terrant, l’auteur du massacre de Christchurch dont nous avions eu l’occasion de parler dans notre article La France, phare mondial de l’islamophobie, est un néo-nazi inspiré par la théorie du « grand remplacement » de l’écrivain d’extrême-droite français Renaud Camus. John T. Earnest, qui a revendiqué l’attentat de la synagogue de Poway, s’est défini lui-même comme antisémite et islamophobe et a cité Bowers et Terrant comme ses principaux inspirateurs.

Il faut appeler un chat un chat : il ne s’agit pas de loups solitaires mais de terroristes ; il n’est pas question d’actes isolés mais d’attentats politiques. L’antisémitisme connait un regain d’intensité dans l’extrême-droite occidentale, particulièrement aux Etats-Unis, où de nombreuses théories suprémacistes gagnent en popularité. Il marche de concert avec d’autres formes de racisme, en particulier l’islamophobie, puisque les juif-ve-s sont accusé-e-s d’être des « passeurs de migrants », des « islamophiles » et d’être responsables d’un métissage racial et culturel présenté par ces auteurs comme « le génocide de la race européenne ».

Cela s’inscrit dans plusieurs thématiques historiques de l’antisémitisme tel qu’il s’est cristallisé en occident aux XIXe et XXe siècles : la figure du juif « cosmopolite », « anti-national » et menaçant l’intégrité de la « race blanche ».  Aux États-Unis, l’anticommunisme a également été, de longue date, un vecteur et un prétexte du racisme et de l’antisémitisme, en raison du grand nombre de juif-ve-s communistes favorables aux droits civiques des afrodescendant-e-s, accusé-e-s par voie de conséquence de mettre en péril la suprématie blanche.

Plus jamais Poway, Christchurch, Pittsburgh

Affiche de propagande, antisémite et négrophobe, du régime Nazi (1938). Le joueur de jazz – Entartete Musik (« musique dégénérée ») porte une étoile de David en écusson.

Le terrorisme suprémaciste bénéficie aujourd’hui d’un climat favorable à la diffusion de certaines de ses thèses dans la société civile et dans les discours politiques, portée notamment par la poussée des gouvernements d’extrême-droite à l’international : en Hongrie, en Pologne, en Italie, aux États-Unis, en Israël, en Turquie…Évidemment, ils peuvent choisir de mettre en avant certaines thématiques aux dépens d’autres, en piochant dans la boîte à outil des théories nationalistes aux faveurs du terrain stratégique le plus propice : islamophobie, antisémitisme, homophobie, crispations autoritaires, retour aux valeurs patriarcales traditionnelles… Que les différentes thématiques mobilisées entrent en synergie ou qu’elles se confrontent à des contradictions de circonstances, les formations d’extrême-droite fomentent des alliances et gagnent du terrain.

Pour pouvoir dire « plus jamais Poway, Christchurch, Pittsburgh », il faut être à la hauteur des enjeux que nous impose la conjoncture. Nous ne devrons notre salut ni aux formations parlementaires traditionnelles, qui miment un antifascisme moral drapé de « progressisme » international tout en menant des politiques racistes, autoritaires et d’austérité ; ni aux forces du Capital qui s’accommodent sans peine des passions fascistes agitant les bourgeoisies nationales. Nous savons également que le chantage au rempart contre « les populismes » n’est que le cache-sexe d’une guerre aux pauvres menée par des élites en crise de régime. Nous ne les laisserons pas nous entraîner vers un nouvel âge sombre.

Il incombe aujourd’hui à notre antifascisme de participer à des alliances antiracistes autonomes – à distance de l’État, et dans un même temps d’investir les mouvements populaires de résistance face aux politiques néo-libérales. Construire un mouvement révolutionnaire est non seulement le meilleur moyen de travailler les contradictions entre les sujets des différentes luttes d’émancipation, mais également notre seule chance de lutter contre le fascisme international.

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