La polémique qui a éclaté récemment dans les espaces médiatiques et politiques dominants autour du texte d’Houria Bouteldja : « L’anti-tatarisme des Palestiniens (et des banlieues) n’existe pas. À propos de Miss Provence et de l’antisémitisme (le vrai) », a des conséquences politiques qu’il nous faut analyser sérieusement. Que ces espaces s’adonnent à une telle « chasse aux sorcières » et simplifient avec une outrance diffamatoire les propos d’une militante décoloniale n’est pas pour nous surprendre. Ce qui nous paraît plus inquiétant, en revanche, c’est bien la propension d’une partie de la gauche radicale, de « l’autonomie » et de l’antiracisme dit politique, à condamner tous azimuts « l’antisémitisme » apparemment attesté de Bouteldja et de toutes celles et tous ceux qui la soutiennent dans le cadre de la polémique qui nous intéresse.
L’intérêt du texte qui suit n’est pas de défendre une nouvelle fois la militante décoloniale, une tribune ayant déjà été publiée sur ce site même. Ce qui nous intéresse plutôt, c’est ce que ce cas d’école nous dit de l’involution d’une partie du champ militant, qui cède de plus en plus aux injonctions et aux postures morales de la « condamnation », rompant ainsi avec l’analyse des processus sociaux et des rapports de force concrets qui conditionnent toute intervention politique, et liquidant l’héritage des luttes anti-impérialistes du siècle dernier.
L’injonction à la condamnation
En politique, il est indispensable d’analyser les lignes de rupture qui démarquent alliés et ennemis. Or, les alliés explicites des professionnels du tweet indigné de ces dernières semaines sont les habituelles figures spectrales qui passent à tour de rôle sur les chaînes d’information et de radio pour s’en prendre à la « racialisation » du débat public et de l’université, pour défendre le sacro-saint universalisme républicain et ses « valeurs », et traiter d’ « islamistes » ou d’ « islamo-gauchistes » les militant.e.s décoloniaux et le milieu de l’antiracisme politique.
Pour exemple, un nouvel et énième article vient d’être publié dans Le Point, maudissant la tribune de soutien à Bouteldja qui a été postée sur notre site. La sympathique Nathalie Heinich, spécialiste des « thèses décoloniales et identitaires » y fustige « l’antiracisme politique », cette régression décoloniale « obsédée par la racialisation ».
Quand on a de tels compagnons de route, il n’est pas inutile de se poser quelques questions d’ordre stratégique. Quand bien même les positions politiques tenues dans le camp dit « révolutionnaire » peuvent parfois nous alarmer (et nous sommes alarmés de celles qui sont tenues en ce moment même), un pas est franchi dès lors qu’on abandonne toute réflexion un tant soit peu dialectique à propos des positions publiques que l’on adopte, des termes que l’on emploie, des censures auxquelles on participe. C’est au nom d’une telle réflexion que nous avions initialement publié la tribune de soutien à Houria Bouteldja.
Cela ne veut pas dire que pareil soutien est acritique, il y a (forcément) à débattre, notamment au vu du dernier article signé par Youssef Boussoumah et Houria Bouteldja, dont plusieurs points nous paraissent erronés. Reste que c’est un soutien sans équivoque face au concert habituel d’indignations républicaines et d’injonctions – qui se sont désormais aussi emparées de « notre camp » – à condamner et à se désolidariser. Or, répétons-le, la lutte politique ne peut être une affaire de condamnation indignée, tout particulièrement quand l’opprobre morale est déjà ressassée du matin au soir par le choeur (« Islamiste ! Islamogauchiste ! Antisémite ! ») de tous nos ennemis politiques réunis.
Sans chercher à nuancer les antagonismes, parfois radicaux et insolubles, on peut s’inquiéter que ce type de condamnations (parfois sur la base de citations décontextualisées et d’opinions pré-définies qui balayent d’un revers de main l’administration par la preuve) soit utilisé pour taire les contradictions internes au camp « révolutionnaire ». Une entreprise qui réduit la lutte au nettoyage des « mauvaises » idées plutôt qu’à la construction et à la structuration d’une force émancipatrice qui puisse faire face à ses contradictions et à celles du monde social en général.
L’innocence collective et la citoyenneté nationale
La phrase qui a choqué l’ensemble du spectre politique avec une harmonie déconcertante, le fameux « On n’est pas Israélien innocemment », se retrouve ainsi vilipendée selon une base argumentative étrangement similaire, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le plateau d’une grande chaîne d’information en continu. Or, que nous dit cette phrase ? Les militant.e.s autonomes et antiracistes devraient le savoir : elle s’inscrit dans une tradition antiraciste et anti-impérialiste bien définie. Elle fait écho à Césaire, à Fanon ou à Baldwin, mais aussi à l’important développement de Balibar sur la citoyenneté nationale, et la façon dont celle-ci repose intégralement sur son corollaire, l’absence de citoyenneté, l’exclusion, la violence, et la mort. Alors oui, on n’est pas membre d’un pays colonial (le mot a parfois du mal à sortir) et impérialiste innocemment. On n’est pas non plus Français (ou blanc) innocemment, et que Nathalie Heinich, le journal Le Point, le plateau de BFM TV ou de CNews s’en offusquent, voilà un événement d’une banalité sans nom. Que « notre camp » se joigne aux cris d’orfraie, abandonnant ainsi tout un ensemble de positions ou d’analyses qui sont issues des luttes anti-impérialistes et décoloniales du siècle passé et des rapports de force qu’elles ont su imposer, nous pose en revanche de vrais problèmes.
Qui fait l’amalgame entre juif et israélien si ce n’est, en premier lieu, l’État d’Israël (qui en fait même une stratégie médiatico-politique) avec à sa suite, les gouvernements impérialistes alliés comme celui de la France, et désormais – c’est cela qui est désolant – tous les militant.e.s 2.0 qui gigotent jusqu’à plus soif sur Twitter depuis trois semaines ?
A contrario, il nous semble que Houria Bouteldja, le PIR ou l’UJFP cherchent plutôt à expliquer, par la matière de l’histoire elle-même et des rapports sociaux qui la traversent, l’émergence et le contenu des représentations hostiles à Israël déjà, mais aussi corollairement aux israéliens, et parfois – ce qui est injustifiable – aux juifs. Mais il n’est jamais suffisant de se désoler, de « condamner », de se draper collectivement dans la posture morale de la dénonciation et du sentiment d’outrage. Ce qu’il faut faire, c’est renouer avec la tradition du camp révolutionnaire qui veut que l’on analyse les structures historiques et sociales de la domination (et qu’on les combatte, mais nous n’en demanderons pas tant pour l’instant).
Comme le disait Simon Assoun, militant à l’UJFP, dans un post récent : « Quiconque prend l’antisémitisme au sérieux s’accordera pour dire qu’il ne suffit pas de le dénoncer. Il faut le définir, le comprendre, le penser. Il faut penser ses conditions de reproduction, de circulation, de transformation. Comment, autrement, mener la guerre à son encontre ? »
Or si l’on s’en tient à ce principe, si confusion antisémite et complotiste d’une partie de la jeunesse non-blanche il y a, on ne peut ignorer qu’elle fait nécessairement écho à des dimensions qui sont bel et bien inscrites dans des structures de domination plus larges. Nier ce fait revient à céder à une analyse individualiste de l’antisémitisme et du racisme en général. On peut, bien sûr, être en désaccord avec l’analyse de Houria Bouteldja, du PIR ou de l’UJFP (qui ne sont pas forcément interchangeables, des débats existent évidemment dans et entre ces organisations). On peut considérer qu’une discussion s’impose quant aux facteurs socio-historiques de ces représentations. Dans la recomposition contemporaine de l’antisémitisme, quel est le poids de la politique israélienne, de la continuité historique de l’antisémitisme traditionnel et de la propagande des groupes fascistes, par exemple ? Sur quoi repose et que traduit l’antisémitisme explicite institutionnalisé des pays d’Europe de l’est ? Comment antisémitisme et islamophobie se co-agencent-ils historiquement, comment et pourquoi sont-ils aujourd’hui construits en opposition, et quelle est la fonction opérée par l’État d’Israël à ce titre ?
Cet ensemble de questions, et encore bien d’autres, semblent tout à fait légitimes. Elles sont d’ailleurs amplement étudiées dans les espaces de recherche militante et universitaire autour de la blanchité et des processus de racialisation et de leur lien avec l’organisation de l’exploitation capitaliste et hétéropatriarcale.
On s’étonnera donc qu’une organisation comme l’UJFP soit traitée d’organisation de « juifs ayant la haine de soi » sous prétexte qu’elle met en lumière ces problématiques. Et que traduit l’emploi d’une telle définition, sinon l’idée qu’une judaïté décoloniale et antisioniste ne peut être une judaïté légitime, qu’un tel positionnement politique en tant que juif est forcément d’ordre psychologique (la « haine de soi »), empêchant ainsi tout débat sur la production, la reproduction et la fonction de l’antisémitisme ?
Expliquer les représentations subjectives par un ensemble historique et social n’est pas excuser, c’est encore et toujours tenter d’interpréter le réel pour le transformer
« Adhérer aux propos de Bouteldja revient à demander aux Iraniens de s’excuser pour le régime iranien ou aux musulmans pour le terrorisme. »
Ce type de comparaisons, élevées au rang d’argumentaire coup de poing, a proliféré sur les réseaux sociaux durant le mois dernier, généralement ponctué d’un « C’est la base, c’est incroyable qu’il faille encore expliquer ça ».
Comme dit plus haut, il y a une différence entre le fait d’analyser la production et l’incorporation de certaines représentations, et le fait d’en être la source. Ainsi, si un.e chercheur.e ou un.e militant.e entreprend d’analyser ce qui produit le présupposé raciste d’une partie des couches populaires blanches, et tient pour responsables les discours, les politiques et les structures (néo) coloniales qui persistent plus que jamais dans notre pays, personne n’aurait l’idée de le taxer lui-même de raciste. L’explication n’est ni une excuse, ni une complaisance.
Approfondissons ce parallèle avec l’analyse du phénomène du racisme dans les classes populaires blanches. Si l’on se penche sur la littérature foisonnante issue des whiteness studies, on observe que ce sont bel et bien les structures de pouvoir existantes (initialement incarnées par les propriétaires et marchands d’esclaves, les patrons et les managers) qui, pour garantir la reproduction du capitalisme racial, patriarcal et colonial, ont procédé à une hiérarchisation/différenciation raciale et sexuelle des travailleurs. Mais ces analyses nous montrent que les conditions de reproduction de ces hiérarchies raciales sont aussi garanties par les modalités subjectives du racisme et du suprémacisme, c’est-à-dire la volonté des prolétaires blancs de maintenir les maigres privilèges que leur allouent de telles divisions raciales (notamment en termes de statut sur le marché du travail). À ce titre, pour être combattues, la production et la reproduction de la concurrence et de la haine interraciales doivent toujours être contextualisées et comprises, et non simplement conspuées à grands fracas d’indignations morales et consensuelles.
Si l’on intègre l’idée que les prolétaires blancs ont souvent adhéré plus ou moins activement à la production de hiérarchies raciales (et sexuelles) par le capitalisme, ce type d’analyse ne peut pas être projeté sur les prolétaires non-blancs. En effet, ils ne sont pas le versant « dominant » du rapport racial. Ils ne jouissent pas de « privilèges » structurels et institutionnels tirés de la racialisation des juifs par les instances de pouvoir, en l’occurrence. Ainsi, si l’on s’inscrit dans l’analyse de Kwamé Turé du racisme comme pouvoir et non simplement comme rapport interindividuel ou comme « discrimination », l’antisémitisme qui traverse une partie des couches populaires non-blanches ne peut pas être mis sur le même plan que l’antisémitisme traditionnel et structurel1, bien qu’il s’y hybride sans aucun doute. Il nous semble que c’est ce qui motive le refus de Bouteldja, et d’autres, d’employer le terme d’ « antisémites » pour qualifier les habitants non-blancs des quartiers populaires qui auraient potentiellement insulté Miss Provence (position politique avec laquelle, encore une fois, il est possible d’être en désaccord sans juger qu’elle est, quant à elle, antisémite).
Il nous faut donc dire de nouveau que l’incorporation de certaines représentations et leur hybridation avec des discours associés à de la résistance ou de l’autodéfense par les couches les plus opprimées de la société n’est pas équivalente à la production dominante de hiérarchisations sociales, raciales et économiques. Cette affirmation relève d’une interprétation matérialiste historique élémentaire des rapports de domination. Il s’agit donc pour nous de saisir les hybridations auxquelles nous faisons face et de développer une stratégie politique opérante pour tenter de peser dessus. C’est ce qui a été fait pour les Gilets Jaunes, et l’extrême-gauche s’est – difficilement – résolue à retirer ses oeillères et à regarder en face l’aspect massif et populaire qui traversait ce mouvement et la nécessité d’y intervenir. Sur ce sujet, on peut aussi parler des luttes contre les violences et meurtres policiers dans les quartiers populaires, elles-mêmes isolées pendant des décennies parce que le langage qu’elles employaient ne correspondait pas au lexique traditionnel du camp « révolutionnaire » français ou parce qu’elles étaient jugées trop peu radicales par celles et ceux qui les restreignaient à des demandes de justice procédurière. Nous pouvons aussi évoquer la lutte contre l’islamophobie, et plus spécifiquement autour du hijab, qui a longtemps été stigmatisée par la gauche radicale et une partie de l’autonomie en vertu d’attachements politiques abstraits et figés (laïcité, féminisme civilisationnel, etc.).
Cela nous rappelle que l’engagement dans un mouvement social ou dans une solidarité internationale ne peut reposer sur leur « pureté » morale ou politique, pureté dont l’interprétation repose forcément sur leur compatibilité avec un langage et des représentations politiques eux-mêmes situés.
De plus, la reprise de l’adage « antisionisme = antisémitisme » jusque dans les sphères autoproclamées décoloniales, nous empêche de saisir la portée internationale de la lutte palestinienne, sur un plan idéologique et culturel, aussi bien que le rapport de force qu’elle a su imposer. Si cette lutte a cristallisé de telles passions politiques, ce n’est pas sur la base d’un antisémitisme insidieux et incorporé, contrairement à ce qu’on peut lire çà et là2.
On sait par ailleurs quelle est la fonction de cette équivalence fallacieuse dans le débat intellectuel et politique, singulièrement en France : censurer, criminaliser, réduire au silence toute critique radicale de l’État israélien, de sa structure coloniale et de sa politique criminelle. Il est plus qu’inquiétant de voir certaines franges de l’extrême-gauche manier l’accusation d’antisémitisme pour participer de cette même censure.
Aplanissement et liquidation de l’analyse anti-impérialiste
Suite aux révoltes anticoloniales et aux premières vagues de « décolonisation », alors même que la colonisation se poursuivait plus ou moins explicitement, les pays capitalistes occidentaux se sont empressés d’acter l’avènement d’un monde pacifié, déclarant unilatéralement la fin de l’Histoire au nom de la prétendue universalité des démocraties libérales blanches. Dans ce cadre, la lutte pour l’autodétermination du peuple palestinien a représenté (et continue de représenter) le fer de lance du combat radical contre l’impérialisme, mais aussi un de ses espaces politiques et stratégiques les plus déterminants.
Cette lutte éveille la solidarité immédiate des classes populaires des pays du Nord issues de l’immigration coloniale qui partagent avec elle la connaissance et l’expérience de la férocité coloniale. Dans une dimension subjective, elle s’est ainsi apparentée au sentiment de dignité (dans sa conceptualisation fanonienne, et plus récemment celle développée par Norman Ajari) des peuples du Sud en lutte, ce qui explique l’envergure mondiale et durable de l’identification qu’elle génère.
Quant à la comparaison entre le régime iranien et le régime israélien que l’on retrouve dans l’argument cité plus haut, quelques points doivent être éclaircis. Que recouvre cet amalgame, érigé en argument massue par nos polémistes du jour ?
Nous avons d’un côté un État indéniablement autoritaire et qui cherche sans aucun doute à accroître son hégémonie régionale, mais dont il faut aussi reconnaître le soutien décisif aux forces (palestiniennes, libanaises, irakiennes, ou encore yéménites) qui depuis plusieurs décennies résistent avec acharnement aux menées belliqueuses de l’impérialisme américain et de ses alliés, au premier rang desquels l’entité sioniste et les pétromonarchies du Golfe. Ne nous y trompons pas : c’est bien parce que l’Iran est, depuis près d’un demi-siècle, un caillou dans la chaussure moyen-orientale des États-Unis et de leurs alliés qu’il est la cible d’une politique de « pression maximale » qui s’est encore accentuée sous l’administration Trump, allant de la mise en place de sanctions économiques extrêmes à des actes de pur terrorisme d’État.
De l’autre côté – et ce n’est pas faire preuve d’une priorisation sélective qui traduirait un antisémitisme inconscient que de l’affirmer – nous avons un État dont la guerre coloniale constitue à la fois l’origine et le principe d’existence. Sa politique récente a été marquée par un enchaînement d’agressions militaires (des trois campagnes contre Gaza en 2008, 2012 et 2014, aux frappes meurtrières contre la Syrie) ainsi que par la poursuite du processus de dépossession et de liquidation physique du peuple palestinien. Ses méthodes de répression et son recours à l’enfermement carcéral de masse lui allouent une place de choix dans le trio d’or mondial des technologies guerrières et sécuritaires. Enfin, son alliance stratégique avec l’impérialisme états-unien se matérialise par une coopération militaire étroite et un soutien diplomatique indéfectible.
Cette mise en équivalence entre l’Iran et Israël, en annihilant le problème des rapports de domination Nord / Sud, et spécifiquement de l’histoire impérialiste et coloniale qui en est aux fondements, participe en réalité de la normalisation de l’État sioniste, c’est-à-dire la normalisation de son apartheid systémique, de la colonisation incessante des territoires palestiniens et du jeu des forces impérialistes pour préserver leurs intérêts dans la région. Les stratégies mises en place pour mener à bien cette normalisation sont multiples, de l’établissement ou la reprise des rapports diplomatiques et commerciaux en particulier avec des pays arabes (le récent accord avec le Maroc en témoigne) au processus de pinkwashing, qui spectacularise une célébration superficielle et mensongère des minorités de genre nationales, dans le but de laver l’image de la politique israélienne en détournant l’attention de ses dimensions coloniales et criminelles.
Établir une indistinction entre l’État israélien et l’État iranien relève donc d’une confusion qui nous prive des armes analytiques contre le fait colonial. Pour le dire simplement, ce n’est pas parce qu’un régime est autoritaire qu’il est impérialiste ou qu’il mène une politique coloniale.
Il existe bien entendu des débats sur la question des grilles d’interprétation appropriées à l’analyse de l’impérialisme contemporain – débats notamment évoqués dans le dernier ouvrage de Benjamin Bürbaumer, Le souverain et le marché : théories contemporaines de l’impérialisme, qui retrace les contours des « théories marxistes des relations internationales ». Il est possible (et même utile) de discuter d’une définition précise de la nature de l’État iranien, son caractère réactionnaire, son expansionnisme régional, le détournement de la révolution dont il est issu.
Mais il y a une ligne de laquelle un anti-impérialisme cohérent ne peut se détourner, pour nous qui vivons et luttons au sein des métropoles du Nord global : il s’agit prioritairement de combattre son propre impérialisme, l’impérialisme occidental, lui-même enraciné dans cinq siècles de colonisation et d’esclavagisme qui ont profondément structuré les rapports Nord/Sud, ainsi que les rapports entre les habitant.e.s de mêmes nations.
- Nous utilisons ces deux qualificatifs qui renvoient à une dimension historique conjointe, néanmoins, l’antisémitisme traditionnel qualifierait plus un type de contenu – clichés, représentations – et son mode d’expression, tandis que l’antisémitisme structurel désignerait surtout l’actualité d’un pouvoir de stigmatisation/division raciale qui ne s’apparente pas systématiquement au contenu de l’antisémitisme traditionnel.
- Sur ce sujet et sur les formes contemporaines de l’antisémitisme, voir par exemple le passionnant débat britannique entre l’historien Barnaby Raine et le politiste Sai Englert.