Trêve générale ?

Noël aura-t-il lieu ? La fête qui avait réconcilié dans les tranchées de la Grande Guerre les soldats des deux camps sera-t-elle sabotée par la chienlit syndicaliste et ses auxiliaires en gilet jaune ?

Voici en somme la question formulée par le gouvernement et par ses relais médiatiques. La tactique est éculée, mais opérante : plaçant l’intérêt général « des français » au-dessus de la mêlée politique, députés et journalistes se relaient pour demander « un peu d’humanité » aux protestataires. Les trains doivent circuler même si le traîneau du Père Noël, lui, sera vide – austérité oblige.

Nous devons admettre que si la méthode est odieuse, elle reste efficace. Comme dans la rhétorique de la « prise d’otage », le pouvoir tente de briser le mouvement (qui prouve sa capacité à s’inscrire dans la durée) en jouant la carte de la majorité silencieuse, représentée par les « usagers » privés de fêtes de fin d’année.

Car n’oublions pas que les grèves comme les blocages visent à paralyser l’économie en coupant les flux des biens et des services, comme des prolétaires produisant ces biens et alimentant ces services. Ces méthodes de lutte sont vidées de leur sens premier par la communication gouvernementale pour être investies d’un contenu différent : l’égoïsme de quelques privilégiés empêcherait la majeure partie de la population de profiter des fêtes.

Dans le grand cirque des pleurnicheries politico-médiatiques, le secrétaire de la CFDT Laurent Berger s’est distingué en appelant à une trêve avant même de rejoindre les cortèges et les grèves. Pour ensuite lâcher la dernière manifestation parisienne en expliquant qu’il y avait « trop de monde ». Du génie.

Mais il joue un jeu risqué, puisque sa base pousse à la continuité des blocages comme celle des autres syndicats, et, plus largement, des secteurs mobilisés dans la lutte. Car une interruption ferait perdre du sens à la mobilisation et rendrait difficile la reprise en janvier, alors que la détermination reste élevée. Les soutiens matériels et moraux aux grévistes des transports affluent d’ailleurs. Un récent sondage particulièrement sournois de BFM, demandant si l’on soutenait la CGT qui « menaçait Noël », a ainsi affiché un résultat de plus de 80% de « Oui ».

Revenons cependant à nos sapins et à nos guirlandes. Le gouvernement propose une trêve hivernale ? Chiche.

Si nous lâchons les blocages, que la classe dominante et ses représentants fassent eux aussi des efforts.

Que la répression s’arrête durant cette période, que les prisonniers du mouvement soient libérés, que les procès soient suspendus.

Que le travail s’arrête et que les salaires augmentent, pour pouvoir dignement profiter des fêtes.

Que les tarifs des transports cessent d’augmenter pour permettre à toutes et à tous de rejoindre leurs familles ou de voyager.

Que la désinformation médiatique et la propagande martelée à tous les niveaux stoppent.

Que la réforme soit retirée.

Une belle victoire, voici tout ce que l’on souhaite pour Noël. Ce serait le plus beau cadeau qui pourrait être fait cet hiver.

Mais en attendant, pas d’illusions, pas de répit, pas de trêve : la grève. Les blocages. Les occupations.

Car, derrière ce mouvement, la perspective reste la lutte révolutionnaire. Pour que chaque jour soit une fête populaire.

Trêve générale ?
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