21 septembre : appel à une grande nuit des barricades

Nous avons reçu cet appel anonyme laissant à penser que certains gilets jaunes n’ont, cette fois-ci, pas l’intention de rentrer chez eux après la manifestation de samedi prochain…

Nous, les Gilets Jaunes, nous sommes trop gentils. On nous traite de violents, on cherche à nous animaliser, à faire de nous de féroces casseurs brutaux et avinés. Mais la réalité est que nous sommes gentils et naïfs. Nous avons le cœur sur la main, nous sommes trop faciles à émouvoir.

Sinon comment expliquer notre clémence le 1er décembre ? Ce soir-là, on contrôlait l’ouest de Paris. On pouvait se diriger vers les ministères, et les brûler un par un. On avait un pouvoir en panique, une police qui tirait dans tous les sens mais qui avait le dessous. Ce soir-là, on aurait pu aller beaucoup plus loin, et s’emparer de ce qui nous est dû.

Pourquoi avons-nous décidé de rentrer chez nous ? Il n’y a qu’une inexplicable gentillesse, une sorte de mansuétude de notre part qui peut l’expliquer. Si l’on était resté dans les rues, peut-être aurait-on gagné. Le gouvernement aurait démissionné. Ils se seraient tous lâchement enfuis, bureaucrates tremblants comme des feuilles, fuyant masqués dans des Uber banalisés. Nous avions une sorte de Varenne bis à portée de main. Mais nous sommes rentrés chez nous…

Nous, Gilets Jaunes, nous n’avons pas encore investi le domaine de la nuit. Et il est grand temps d’y remédier. C’est pourquoi les Gilets Jaunes appellent le 21 septembre à une grande nuit des barricades.

Pourquoi acceptons-nous toujours de nous disperser dès lors que 17h ou 18h ont sonné ? Dans ces cas-là, attendons que la nuit tombe, et repartons à l’assaut.

Car nous n’avons plus le choix. Trop de temps a passé, trop d’eau a coulé sous les ponts depuis le 17 novembre. Le mouvement des Gilets Jaunes est trop unique, trop plein de rage et d’enthousiasme pour le laisser mourir. C’est la seule flamme d’espoir. Nous sommes les Gilets Jaunes. Nous ne sommes pas un mouvement social mais un peuple en lutte.

Nous ne pouvons plus attendre le prochain coup : cet éternel grand soir qui arrivera toujours la fois d’après, quand toutes les conditions seront réunies, cette révolution toujours à venir. Non c’est pour maintenant, ce n’est pas à venir. Ce n’est pas à la prochaine crise économique, ni quand les syndicats le voudront bien, ni dans dix ou vingt ans. Ce genre d’idées relève d’une culture de la défaite, alors que les Gilets Jaunes ont une culture de la victoire. « Les Gilets Jaunes triompheront », c’était écrit sur l’Arc le 1er décembre. Et cela s’accomplira.

Car non, les conditions parfaites ne seront jamais réunies. Nous sommes dos au mur, et c’est à nous de provoquer l’urgence. Tous les ingrédients sont réunis pour une rentrée sociale explosive. Nous Gilets Jaunes devons simplement être le détonateur de la colère. Nous sommes l’avant-garde, les autres s’engouffreront dans la brèche.

Provoquons l’étincelle dans la nuit ! Par notre détermination et notre hargne à rester dehors coûte que coûte, comme nous avons passé l’hiver sur un rond-point à nous chauffer aux feux de pneus et de palettes. Envoyons un signal fort, destiné à tous les révoltés.

Nuit et jour. Jour et Nuit. Frappons partout. À partir du 21, Paris c’est Hong-Kong.

Dans cette société-là, si on ne parle pas de toi, tu es mort. Les médias ont beau être à la solde des puissants, et contribuer à nous invisibiliser, ils marchent au sensationnel. C’est leur drogue : ils ne résisteront pas à cette nuit des Gilets Jaunes. Il faut croire que la nuit nous remettra subitement au goût du jour…

Ne croyez donc pas que c’est de la poésie. Cette nuit des barricades est tactique, elle a un intérêt stratégique profond.

L’histoire nous l’enseigne. Le 10 mai 1968, le mouvement de contestation était encore cantonné aux étudiants et aux lycéens des grandes villes. À 21H30, les étudiants se rassemblent et édifient des barricades dans le quartier latin. Ils ne lâcheront le terrain qu’à 5h30. Cette nuit des barricades fut un événement décisif dans la généralisation de la contestation. En deux jours, les secteurs ouvriers qui ne bougeaient pas jusque-là entrèrent dans la danse, et une grève générale sauvage se déclarait à la surprise de tous le 13 mai.

La nuit a ce pouvoir de coaguler les colères, de faire se lever une rage, une soif de justice que la journée ensevelirait. Elle nous fascine, elle nous galvanise. Une nuit des barricades et toutes les colères sont libérées. Elles se sentent enfin justifiées et puissantes.

Lorsque la nuit tombera, prenons un moment de pause. Remettons-nous un temps des émotions de la journée. Buvons une bière ou un coup de vin à la santé de la révolution. Et sur les coups de 22h ou 23h, ressortons en masse là où l’on ne nous attend pas. Les mots d’ordre circuleront d’eux-mêmes, il suffira de les suivre.

Nous pouvons attaquer les commissariats et les dépôts comme celui de la rue de l’Évangile dans le 18ème où l’on entasse nos camarades injustement arrêtés.

Nous pouvons nous mêler aux fêtards du Marais, dans le centre de Paris, semer le chaos entre les terrasses bondées pour faire tourner en bourrique le dispositif policier.

Nous pouvons investir le 16ème et ses avenues mortes, ses caniches en laisse, pour que les riches ne dorment pas en paix, et qu’ils se repayent un petit coup d’adrénaline émeutière, comme au bon vieux temps de décembre.

Nous pouvons organiser des journées du patrimoine nocturne à l’Assemblée nationale.

Nous pouvons reprendre les champs à Minuit, et les renverser une seconde fois.

Les possibilités sont multiples. Nous nous déciderons pour l’une d’entre elles la nuit venue, en fonction du rapport de force et des événements de la journée.

Souvenons-nous en attendant qu’il n’y a rien de plus beau que des feux dans la nuit. C’est une vision qui réveille tous les révoltés.

LES GILETS JAUNES TRIOMPHERONT

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