Depuis le mois de janvier, qui a marqué le dixième anniversaire de la révolution tunisienne, des protestations ont éclaté dans toute la Tunisie. Elles ont commencé dans les quartiers populaires de tout le pays où, la nuit, des manifestants, principalement des jeunes hommes, ont marché pour dénoncer la répression policière et l’abandon total par l’État de ces zones où la précarité économique bien ancrée n’a fait qu’empirer depuis le début de la pandémie. Nous publions ici une déclaration, qui recense revendications et principes du mouvement, faite en solidarité avec les manifestants qui ont depuis été rejoints par différents groupes de gauche, ce qui a donné lieu à une grande manifestation en direction du Parlement samedi dernier.
Campagne nationale en soutien aux luttes sociales en cours
الحملة الوطنية لإسناد النضالات الإجتماعيّة
DECLARATION
Le programme du peuple contre le programme des élites
Les récentes manifestations qui ont pris place dans les quartiers ouvriers et les régions paupérisées de l’intérieur du pays coïncident avec une nouvelle tentative de la bourgeoisie au pouvoir depuis 2011 et avant cela, de réorganiser sa propriété par le biais d’un « dialogue national » qui rassemble les mêmes élites et ceux qui représentent ses intérêts : partis politiques, structures de pouvoir traditionelles, grands propriétaires terriens, directions syndicales, associations et tout autre groupe fondé par ces élites ou étroitement associé à elles. Ces forces chercheront à vider la protestation – expression du ressentiment de la classe ouvrière contre la répression policière, les politiques d’austérité et de paupérisation délibérées – de son sens en détournant les discussions vers la transformation du système politique, de la loi électorale, ou les changements de ministres…
Nous constatons que la véritable ligne de démarcation est de classe et qu’elle est nationale, elle se rapporte au social et à l’économique et à ce qui constitue le souverain. Il ne s’agit donc pas de remplacer quelques personnes et de polir le même système avec de nouveaux visages. Par conséquent, nous proposons d’élaborer et de discuter un programme populaire fondé sur la séparation entre les forces alignées sur le peuple et celles de la bourgeoisie et du colonialisme. Ce programme est basé sur les revendications et les principes suivants :
1 – Libérer immédiatement tous les détenus et démanteler le système de répression policière en dissolvant les syndicats des forces de sécurité, en interdisant toute pratique arbitraire, en abolissant toutes les lois répressives et en créant des institutions judiciaires spécialisées dans les plaintes contre les agents de sécurité afin de protéger les droits des citoyens ;
2 – Établir une indemnité de chômage de 400 dinars par mois financée par un impôt sur les grandes fortunes et les banques, et porter le salaire minimum à 600 dinars ;
3 – Résoudre la situation immobilière, en fournissant des certificats de propriété aux résidents des quartiers populaires, en fixant le prix des loyers par décision gouvernementale et en convertissant les immeubles vides aux mains des grands propriétaires en logements collectifs populaires ;
4 – Distribuer les terres appartenant à l’État et les terres négligées des grands investisseurs aux travailleurs agricoles sans terre, aux chômeurs et aux petits agriculteurs, et financer les coopératives par l’intermédiaire de la Banque centrale ;
5 – Annuler toutes les dettes des personnes de la classe ouvrière détenues par les institutions de micro-crédit ;
6 – Réquisitionner les cliniques privées afin de lutter contre le Coronavirus et fournir toutes les ressources nécessaires pour faire de la santé un droit égal pour tous les citoyens ;
7 – Indemniser les populations à bas revenu touchées par la pandémie en leur octroyant des allocations (financées par des impôts exceptionnels sur la fortune et les banques), en fournissant des tests, des traitements, des vaccins et des moyens de prévention gratuits à ceux qui en ont besoin, et en levant le couvre-feu dès que possible ;
8 – Former un comité d’audit populaire qui comprend des experts travaillant à l’inventaire des ressources naturelles du pays, à la vérification des contrats d’exploitation, en particulier des sociétés coloniales multi-nationales, ainsi qu’à l’examen de la dette extérieure de l’État ;
9 – Limiter l’importation de voitures et utiliser les réserves de devises pour approvisionner les moyens de transport public et développer une industrie nationale de transport ;
10 – Relancer l’industrie textile nationale afin d’offrir des prix abordables au lieu de fournir des vêtements à des coûts élevés ;
# LeProgrammeDuPeuple contre le programme des élites
Nous remercions Myriam Amri pour sa traduction de ce texte de l’arabe vers l’anglais et pour la courte introduction qu’elle nous a fait parvenir.