En complément à l’appel « Laissez-nous respirer » paru dans l’Humanité pour la journée internationale contre les violences policières, des féministes ont souhaité joindre leurs voix à celles des familles, pour l’interdiction des techniques d’immobilisation mortelles. En ce 8 mars marqué par une forte répression policière sur les militantes féministes, il nous parait d’autant plus primordial de faire émerger un discours contre l’institution policière, depuis une perspective féministe.
Plaquage ventral, pliage et clé d’étranglement :
ces pratiques mortelles doivent être interdites !
Le 5 janvier 2020, Cédric Chouviat, père de famille de 42 ans et livreur de métier, mourait à la suite d’une interpellation. Selon l’autopsie, une asphyxie et une fracture du larynx sont en cause dans ce décès. Pour la famille, c’est la conséquence directe d’une technique policière d’immobilisation dite du « plaquage ventral ».
Cette technique constitue avec celle du « pliage » et de la « clé d’étranglement », un panel de techniques d’immobilisation à fort potentiel létal, responsables de plusieurs dizaines de morts depuis vingt ans telles que celles de Mohamed Boukrourou, Mohamed Saoud, Lamine Dieng, Abdelhakim Ajim, Ali Ziri, Adama Traoré, Abdelhakim Ajimi, Wissam El Yamni, Amadou Koumé, Serge Partouche… pour ne citer qu’eux.
En tant que femmes, militantes féministes, anti-racistes, nous soutenons les luttes contre les crimes policiers car nous savons que nous avons tout à gagner à faire cesser la surenchère des violences policières et à interdire les techniques légales qui l’accompagnent et assassinent depuis de nombreuses années. Pour nous, la domination policière et son incarnation la plus extrême, le meurtre policier, sont partie prenante de la domination masculine et coloniale, en tant qu’incarnation d’un virilisme sans foi ni loi. La légitimité de telles pratiques constituent une menace meurtrière pour ceux qui nous entourent mais également pour toutes les femmes : victimes, ou sœur, mères, filles, compagnes et amies de victimes. En finir avec ces méthodes, c’est aussi mettre à terre une partie de ce qui nous tient en joue en tant que femmes.
De plus, nous ne connaissons que trop bien les rhétorique mensongères qui consistent à faire porter la responsabilité des agressions et l’usage des techniques meurtrières aux victimes elles-mêmes : elle nous est également appliquée chaque fois que nous dénonçons les violences qui nous sont faites et nous les rejetons avec fermeté. Enfin, nous sommes conscientes que les polices et leurs propensions inhérentes à violenter, mutiler, violer et tuer, n’ont jamais été les compagnes des luttes pour l’émancipation des femmes. Nous nous souvenons notamment du harcèlements des policiers envers les femmes musulmanes, alléguant être les garants de leur libération, comme nous pensons à toutes ces femmes dont les vies ont été bouleversées à la suite d’un drame dont elles furent les victimes collatérales.
La persistance de ces pratiques policières et des morts qui en découlent nous oblige donc à prendre position. Au lendemain du décès d’une nouvelle victime, nous dirigeons nos solidarités les plus totales aux familles des victimes, et nous nous élevons à leurs côtés afin contribuer à la campagne initiée pour interdire les techniques d’immobilisation meurtrières.
Signataires :
Lauren Bastide, journaliste et productrice
Amel Bentounsi, fondatrice d’Urgence Notre Police Assassine
Chloé Delaume, autrice
Alice Diop, réalisatrice
Emma Clit, dessinatrice et blogueuse féministe
Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice
Elsa Dorlin, philosophe
Gwen Fauchois, blogueuse et activiste lesbienne
Kiyemis, autrice
Mrs Roots, blogueuse et autrice afroféministe
Océan, comédien et réalisateur
Clyde Plumauzille, historienne
Valérie Rey-Robert, autrice
Françoise Vergès, politologue et militante féministe décoloniale
Collectifs :
Collectif cases rebelles
Collectif des mères solidaires
Mwasi
Nta Rajel
Women’s March Paris