
Ce mardi 28 janvier 2020, dans la 28e chambre correctionnelle du Tribunal Judiciaire de Paris se tenait le procès d’une militante “Gilets Noirs”. Dans une petite salle au 6e étage de l’enceinte en verre s’est jouée la répétition d’une pièce particulièrement ennuyante, si ce n’est qu’elle met en jeu des vies humaines. Cette pièce, c’est celle de la justice française, celle des procédures sans preuves, si ce n’est les déclarations de fonctionnaires de police et l’absence d’enquête diligentée par le Parquet. Récit.
DES VIOLENCES POLICIÈRES ET DES MOTS
Le 12 juillet 2019, plusieurs centaines de “Gilets Noirs” entraient par surprise dans le Panthéon à Paris, et l’occupaient. Ils réclamaient la régularisation de « tous les sans-papiers et un rendez-vous avec le Premier ministre Édouard Philippe » mais aussi « un logement pour tous ». La réponse de l’État ne se faisait pas attendre, puisque très rapidement des fourgons de CRS encerclaient le bâtiment, puis avec une violence extrême délogeaient les militants. Des scènes de tabassage collectif étaient captées par les journalistes présents. Beaucoup de militants finissaient inconscients au sol, sous les regards rieurs des policiers. D’autres étaient mis en garde à vue et le calme revenait pour le plus grand plaisir du Premier Ministre qui tweetait : “Toutes les personnes qui se sont introduites dans le #Panthéon ont été évacuées. La France est un État de droit, dans tout ce que cela implique : respect des règles qui s’appliquent au droit au séjour, respect des monuments publics et de la mémoire qu’ils représentent.”
Au lendemain de cette action, les “Gilets Noirs” venaient manifester pour la libération de leurs camarades enfermés dans le commissariat du 5e arrondissement de Paris. C’est lors de cette manifestation d’une cinquantaine de personnes, considérée comme « hostile » par les fonctionnaire de police que les outrages auraient été commis par une des militantes, identifiée par trois policiers.
« LA POLICE ASSASSINE, LA POLICE EST RACISTE »
Interpellée alors qu’elle rentrait chez elle sur un vélib, la militante était aussitôt placée en garde à vue. Trois fonctionnaires de police déposaient plainte contre elle du chef d’outrage envers personne dépositaire de l’autorité publique. Et c’est tout. Il ressort de cette audience que le dossier est réduit à ces éléments. Les simples déclarations des policiers « victimes d’outrage » sans aucun autre élément suffisaient pour qu’une personne soit déferrée devant un juge.
L’audience du 28 janvier 2020 était presque gênante pour l’avocat des parties civiles qui balbutiait une « atteinte à la fonction » et demandait, pour cette atteinte, 700 euros pour chaque victime. Elle l’était encore plus pour le Procureur de la République, qui écartait les erreurs judiciaires et l’absence de preuve pour se focaliser sur une seule chose : insulter des policiers c’est dégrader l’état de la démocratie et creuser le fossé entre la police et les citoyens – ce qui pourrait profiter aux « extrêmes ».
La plaidoirie de Me Alimi, avocat de la militante, aura permis de mettre en évidence plusieurs choses. D’une part, l’absence de preuve à part la parole des victimes. Dans un dossier où des doigts d’honneur sont évoqués en face d’un commissariat, aucune vidéo n’a pourtant été extraite dans l’enquête diligentée par le Parquet. Aucun témoin n’a été auditionné.
L’Inspection générale de l’administration (IGA) dans un rapport remis le 20 décembre 2014 au ministère de l’Intérieur épinglait le recours trop régulier à des avocats, payés par l’administration, dans des affaires d’injures et d’outrage à agent. C’est un véritable business auquel se livrent les policiers, confiants dans la réponse d’une justice soucieuse de protéger ses policiers.
On l’aura vu au cours de l’audience. Lorsque Me Alimi avançait l’idée selon laquelle on peut dire que la police assassine au vu des derniers événements, et plus encore qu’elle est raciste, c’est la Présidente qui lui demandait de cesser ce discours « politique ». Et Me Alimi de rajouter que ce sont ces procédures abusives qui dégradent l’état de la démocratie.
Ce sont ces militants tabassés gratuitement qui creusent le fossé entre la police et les citoyens. Il faudra plus que des stages de citoyenneté pour faire oublier le racisme et les assassinats des fonctionnaires de police français.
Délibéré le 25 février 2020.