Mort du camarade Mohand Hamami

Un texte de Jean-Marc Rouillan

Fils d’un combattant algérien assassiné par l’armée lors de la guerre d’indépendance et d’une mère morte de tuberculose dans un camp de concentration français (dit camp de regroupement de la population hostile), il a été recueilli par son oncle à Voiron (Isère).

Jeune ouvrier ajusteur, Mohand a rejoint le Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) et milita à Grenoble aux côtés de Boisgonthier (un des rares dirigeants de la Gauche Prolétarienne ayant refusé la dissolution de l’organisation en 1973).

Dans les années 1970, il a participé aux principales mobilisations de la gauche révolutionnaire iséroise avant de faire le choix des armes.

Arrêté et emprisonné à Fresnes, il a été un des piliers du Comité de Lutte des Prisonniers d’Action Directe. À ce titre, il a été aussi un des fondateurs du journal des prisons Rebelles.

Après l’amnistie de 1981, Mohand est un des 16 prisonniers politiques restant en prison. Ils ont été tous libérés dans les semaines suivantes grâce à une mobilisation regroupant une partie de la gauche révolutionnaire.

Dès l’automne 81, Mohand agit à la construction de la « base rouge » de Barbès avec d’autres anciens du MTA et de plus jeunes camarades de l’immigration comme Lahouari « Farid » Benchellal, impliqué comme lui dans le journal Sans Frontières (en décembre 81, Farid a été torturé à mort au commissariat d’Helsinki).

Au cours de ces mois de lutte intense, Nathalie et moi étions très proches de Mohand. Quotidiennement. Sans trêve.

Pour notre organisation, il assurait une partie des contacts avec la résistance palestinienne et arabe. Il travaillait non seulement à la diffusion de la propagande mais il participait aussi aux actions armées.

Ainsi, il fut un membre du commando AD qui attaqua l’annexe du ministère de la Défense israélien à Paris. Pour la cause palestinienne contre l’entité sioniste et le colonialisme, il était volontaire pour toutes les opérations.

Emprisonné à nouveau avec Joëlle Aubron, à peine un pied dehors, il nous rejoignit dans la clandestinité.

Le jour même de l’inauguration en grande pompe par les socialos des tristement célèbres Brigades Anticriminalité (BAC), celles qui encore aujourd’hui assassinent dans les quartiers populaires, et qui répriment sauvagement les manifestants, il a fait partie du groupe de camarades qui ont anéanti l’une des premières patrouilles. Deux policiers morts et un grièvement blessé. Orphelin des massacres coloniaux français, il ne regretta jamais sa participation à cette action ni son adhésion à la guérilla. Il y a peu, au téléphone, il évoquait « les plus belles années de sa vie ».

Exilé en Algérie, il ne cessa pas le combat pour autant ni pour la cause palestinienne ni pour la gauche révolutionnaire. À Bejaïa, les plus jeunes se souviennent de ce chibani dans les manifestations, jusqu’à ses derniers jours encore où, malade, il portait la banderole du Hirak.

À chaque intervention, Mohand insistait sur cette fidélité aux combats révolutionnaires et anti-impérialistes. Il avait la volonté de transmettre, et avant tout de l’impérieuse nécessité de s’organiser et de lutter.

Honneur à toi Mohand !

Tu es parti sans baisser les yeux, sans repentir, sans dissociation, toujours fier de l’histoire de notre génération militante.

Fier d’avoir été un fedayin. Un guérillero. Un nouveau partisan…

Fier, malgré la défaite (provisoire), au moins de les avoir affrontés pour de vrai.

Toujours persuadé que de nos succès comme de nos défaites naîtront de futurs combats jusqu’à la victoire…

Avant de terminer mon propos, je tiens à remercier l’Algérie de t’avoir offert le droit de poursuivre ton combat politique en te préservant de la vengeance de la bourgeoisie française.

Notre génération a été modelée par le combat des héros du FLN et la lutte du peuple algérien, comme par la lutte du peuple vietnamien et de tous ceux et celles qui ont affronté le colonialisme et l’impérialisme avant nous.

Mohand, à cet instant même où la terre de Bejaïa te reçoit, toi qui parlais avec tant d’émotion de Joëlle et des camarades emportés si jeunes dans le feu du combat, sache que l’émotion nous envahit tous et toutes, si forte, si douloureuse… pourtant comme à chaque fois, je dirai ces mots hérités de notre passé de partisans : on ne pleure pas un camarade, on poursuit son combat !

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