« Un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de la part d’autorités françaises qui « ont fait preuve d’un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent ». Les conclusions du rapport remis le 26 mars dernier au président Macron par l’historien Vincent Duclert, au nom de la « commission sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis », dénoncent une faillite collective sur les plans politiques, moraux et intellectuels. Macron a salué une « avancée considérable dans la compréhension du rôle de la France dans son engagement au Rwanda ».
Cette commission était censée apporter un œil neuf sur le sujet. Son rapport détaille le soutien de la France au Rwanda avant le génocide (1990-1993), effleure le soutien au gouvernement qui l’organisa (7 avril – 17 juillet 1994), et ne fait aucune allusion au soutien aux génocidaires qui perdure longtemps après. Il nourrit ainsi l’opinion publique avec une médiatisation importante de quelques faits accablants déjà connus d’une sphère de chercheurs, de journalistes et de militants associatifs comme ceux de Survie, dont le travail est ainsi enfin reconnu. Il réhabilite des lanceurs d’alerte placardisés à l’époque, et libère la parole de militaires. Un verrou psychologique a-t-il enfin sauté ?
Curieusement, à l’exception de Raphaël Glucksmann, aucun responsable politique actuel ne s’est exprimé. On a surtout entendu en long et en large les acteurs de l’époque donner leur point de vue : les Védrine, Juppé, Quilès, qui devraient enfin avoir la dignité de se taire, continuent à défendre mordicus la politique française au Rwanda.
Si le rapport Duclert est si bien accueilli par la classe politique et médiatique, c’est qu’il circonscrit les responsabilités à Mitterrand et à son état-major particulier. Le rapport en dénonce les pratiques irrégulières, et une obstination présentée comme un simple aveuglement ou une exception singulière. Il évite tout ce qui peut déranger ou donner lieu à des poursuites en justice. Soulignant avec raison que les archives ne portent pas de trace d’intention génocidaire de la part des décideurs français, il les dédouane à tort de l’accusation de complicité de génocide. « Responsables mais pas complices », conclusion absurde que la presse a reprise en boucle.
Or le soutien des décideurs français aux génocidaires a été actif, en connaissance de cause, et avec un effet sur le crime : ces trois éléments, même sans l’intention criminelle, peuvent suffire à qualifier la complicité. Il faut la reconnaître officiellement et en juger les responsables. Le mouvement anti-impérialiste continuera à réclamer la fin du soutien aux dictatures françafricaines, une des causes profondes de la complicité française dans le génocide des Tutsis. Pour qu’elle ne se reproduise plus.