Depuis avril 2020, à Toulouse, le Centre d’Autodéfense Sanitaire et Alimentaire organise une solidarité directe au cœur du dernier quartier populaire du centre-ville de Toulouse. Des familles, et des gens solidaires s’auto-organisent pour faire vivre ce lien de partage et d’entraide afin de répondre aux besoins fondamentaux : se nourrir, se protéger de la maladie et se vêtir avec le soutien des habitants du quartier, de commerçants alentours et d’associations. Nous sommes allés à leur rencontre pour savoir comment leur lutte s’organise.
Pouvez-vous présenter le CASA (Centre d’Autodéfense Sanitaire et Alimentaire) ? Quel est le projet du lieu ?
Le CASA est un lieu à Toulouse de partage et d’entraide où nous organisons des distributions de repas hebdomadaires, de colis alimentaires, de masques et même de vêtements, depuis plus de 10 mois. C’est également un lieu de rencontres et de discussions qui permet aux plus isolés de se sentir moins seuls. Initié par les familles du bâtiment au départ, des habitants du quartier et d’ailleurs sont par la suite venus s’ajouter à l’initiative. L’immeuble qui abrite le CASA est un squat, occupé par plusieurs familles depuis fin 2019. Le propriétaire est l’EPFL de Toulouse, qui a racheté le bâtiment en 2017 et qui l’a laissé vide depuis.
À quels besoins répondez-vous dans cette période spécifique ?
La pandémie a entraîné une urgence sanitaire et alimentaire. L’État a abandonné les plus précaires, il a donc fallu organiser une riposte rapide. Pendant les premiers mois de la crise, nous avons pu être un véritable relai face à la fermeture des autres associations institutionnelles. De nombreuses personnes se sont retrouvées sans colis alimentaires et sans repas distribués lors de maraudes. De plus, certains ont perdu leur emploi ou ont touché le chômage partiel, augmentant le nombre de précaires. Au total, depuis presque un an, ce sont des milliers de repas qui ont été partagés. C’est parfois le seul repas qu’une personne mange sur deux jours, voire plus. Par ailleurs, malgré la faible disponibilité de masques à l’époque, nous avons pu en distribuer des milliers. Nous avons aussi distribué des kits de masques et de gels pour les livreurs Uber ou Deliveroo, nombreux dans le quartier où est situé le CASA. Ils sont en première ligne de la pandémie et pourtant leur statut est précaire et ils ne reçoivent aucun soutien.
Comment fonctionnez-vous ?
On s’organise entre nous, entre galériens et galériennes, entre précaires. Le lundi, il y a une équipe qui cuisine le repas pour le soir même : nous sommes plus ou moins nombreux selon les semaines. Les mercredis après-midi sont ouverts pour un café solidaire hors période couvre-feu. À ce moment-là, les personnes ont accès à la friperie grâce au nombre important de dons de vêtements que nous avons reçus et que nous devons trier régulièrement. Une fois par mois, nous récupérons une grande quantité de nourriture, qu’il nous faut décharger le vendredi après-midi pour ensuite préparer le partage en colis alimentaires, qui seront distribués le samedi matin. Tout le monde peut y participer et nous avons toujours besoin de coups de main ! Nous avons aussi mis en place une cagnotte en ligne et sur place afin de récolter des dons pour avoir plus de choix dans la préparation des repas notamment, ou pour acheter des produits courants. Les prises de décisions sont collectives, on en discute pendant les temps d’ouverture, via un groupe Facebook ou lors de réunions quand nous devons prendre des décisions importantes.
Quelles difficultés rencontrez-vous ? Subissez-vous une répression ?
Le manque de moyens financiers par exemple, même si on a les bras pour s’organiser il est parfois difficile d’obtenir des dons, surtout après un an de pandémie. Côté répression, les flics sont venus contrôler lors de deux distributions de colis alimentaires. Le CASA est situé dans un quartier surveillé (caméras et contrôles de flics réguliers). Encore populaire, le quartier d’Arnaud Bernard est en phase de gentrification, entraînant l’éviction des plus pauvres et une ségrégation raciale. Sinon, il faut rappeler que le CASA est un squat ! Après une procédure d’expulsion lancée par la mairie de Toulouse, les familles du bâtiment sont expulsables à partir du 1er juin. Les actions du CASA sont donc aussi en danger. Enfin, pour l’anecdote, nous avons reçu un mail du service solidarité de la mairie durant le premier confinement pour se rapprocher de nous et nous apporter leur soutien concernant nos actions !!!
Comment y faites-vous face ?
On s’organise, on veut montrer que le CASA est maintenant inscrit dans le paysage d’Arno b, nécessaire aux plus précaires et qu’il est donc important de sauvegarder cette initiative. Sinon, une fois de plus, ce sont les plus précaires qui en feront les frais. Concernant l’expulsion, nous allons saisir le juge de l’exécution afin de demander des délais supplémentaires pour les familles habitantes (qui n’ont toujours aucune autre solution de logement) et le CASA qu’elles ont créé. Nous avons donc lancé une pétition afin de montrer le soutien qu’on nous apporte. Pour la signer il faut aller ici. Nous regroupons également des attestations de soutien d’associations et d’habitants du quartier. Pour finir, côté financier, nous avons relancé une cagnotte pour réactiver les dons.
Quels projets avez-vous pour la suite ?
Nous avons par exemple l’idée de mettre en place une laverie solidaire, des activités pour les enfants, des cours de langues. Nous avons bien sûr d’autres projets à mettre en place dès que les conditions sanitaires se seront améliorées. Le projet est à construire au jour le jour avec les personnes présentes, qui s’organisent et font vivre le CASA !