La retraite ou la mort

En 2016, le gouvernement s’attaquait aux droits des travailleurs avec la Loi travail. En 2017, les ordonnances Macron sonnaient le glas du Code du travail tel qu’on le connaissait jusqu’alors. En juillet 2019, il choisissait comme cible les droits des chômeurs. En 2020, il s’apprête à donner le coup de grâce au collectif en visant cette fois-ci les retraités. Cette dernière attaque est d’ailleurs si précipitée que même le Conseil d’État met en garde le gouvernement. Il « regrette », juge « insuffisant » et souligne « l’imprécision »1 du projet de réforme. Comme nous avons malgré tout quelques différends avec le Conseil d’État, nous nous permettons de proposer ici notre propre analyse du projet de réforme des retraites.

L’arnaque d’un « régime universel »

Le dossier de presse du gouvernement du 11 décembre 2019 intitulé « le système universel de retraite. Pour une retraite plus simple, plus juste, pour tous » présente les enjeux du passage à un système universel à points. Il avance comme avantage principal qu’1 euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous et que le nouveau système protégera mieux les Français en situation précaire. Ainsi, l’équation de calcul du nouveau régime des retraites sera effectivement simplifiée : la pension de retraite sera égale au nombre de points multipliés par la valeur du point, revalorisé chaque année en fonction de l’évolution des salaires. Tous les points auront la même valeur. La simplicité est-elle néanmoins synonyme de justice sociale ?

Le système universel de retraite absorbera le régime de retraite complémentaire pour ne faire qu’une seule pension pour chaque citoyen, alors que jusqu’à présent la retraite d’un salarié, comme celle d’un fonctionnaire, est constituée d’une pension de base gérée par l’État, d’une pension complémentaire (AGIRC-ARCCO, IRCANTEC, etc) gérée par les partenaires sociaux et éventuellement d’une retraite supplémentaire non obligatoire.

Dans le nouveau système, le travailleur achètera des points avec ses cotisations, points dont le prix d’achat sera indexé sur les salaires, c’est-à-dire augmentera proportionnellement à l’augmentation des salaires. Les points acquis seront convertis en euros et également revalorisés selon l’augmentation des salaires. Le gouvernement affirme que la valeur du point ne pourra pas baisser et qu’il sera possible d’acquérir des points pour les périodes d’interruption d’activité subie, équivalents des « trimestres assimilés » du régime actuel, par exemple les trimestres offerts pour les périodes de chômage, de maladie ou encore pour la maternité. Il avance aussi que l’indexation des pensions sur les salaires sera plus avantageuse que sur l’inflation. Effectivement, si les salaires augmentent plus vite que les prix, le montant des pensions suivrait cette progression. Ce système universel par points aurait, selon le gouvernement, pour bénéfice majeur de favoriser les personnes effectuant des « petites quotités de travail », ayant des carrières « heurtées » et de donner les mêmes droits à tous les travailleurs.

Dans le système actuel, les « petites quotités de travail » ne sont pas prises en compte pour le calcul du nombre de trimestres car elles ne permettent pas d’atteindre le seuil des 150 heures pour valider un trimestre. Ce serait pourtant faire un raccourci trop facile de considérer que la prise en compte de ces petites quotités de travail – par exemple les jobs étudiants – serait avantageuse pour les personnes ayant recours à des emplois précaires ne leur permettant pas de valider des trimestres. En effet, actuellement ces périodes ne sont pas non plus prises en compte dans le SAM (les 25 meilleures années de la carrière à partir desquelles on calcule le montant de la pension de retraite), et c’est bien mieux ainsi. En effet, la prise en compte des seules meilleures années de la carrière permet de lisser les heurts dans une carrière, en tous cas pour ce qui est du salaire annuel moyen qui sert de base au calcul de la pension.

Si les « petites quotités de travail » permettent l’acquisition de points, donc d’une somme qui sera reversée lors de la liquidation de la pension, elle permet certes une considération de ces « petites quotités de travail », mais qui relève du symbole puisque le nombre de points acquis sera minime, étant proportionnel au montant des cotisations. En parallèle, les personnes ayant une carrière pleine et bien rémunérée verront toutes leurs rémunérations prises en compte. Il y aura là un traitement strictement égalitaire mais qui n’est ni juste ni solidaire. Les inégalités salariales durant la carrière seront maintenues à la retraite, si elles ne sont pas renforcées.

Les femmes, grandes gagnantes de la réforme ?

Le gouvernement avance également que la réforme permettra d’avantager les femmes aux carrières dites heurtées du fait de la maternité. En 2017, les femmes percevaient en moyenne une retraite inférieure de 42 %2 à celle des hommes. Les pensions de réversion – qui correspondent à une partie versée aux époux survivants de la pension dont bénéficiait l’époux décédé – permettent de ramener cet écart à 29 %, sachant que les femmes touchent 88 % des pensions de réversion. Dans la génération née en 1956, une femme sur deux a eu plus de 20 % d’années incomplètes (c’est-à-dire n’ayant pas permis l’acquisition de 4 trimestres), contre 6 % pour les hommes3. Le système actuel creuse alors effectivement les inégalités issues du parcours professionnel lors de la retraite. Le projet de réforme promet d’attribuer une majoration de 5 % des points acquis pour chaque enfant et une majoration supplémentaire à partir du 3e enfant. Cette majoration sera attribuée au père ou à la mère, selon le choix fait par le couple. À défaut, ces droits seront automatiquement attribués à la mère.

En réalité, cette mesure favorisera les hommes. En effet, dans un couple hétérosexuel, l’homme gagne structurellement plus que la femme et le couple aura donc intérêt à choisir de majorer le salaire de l’homme. Il n’y a donc ici pas à se réjouir de cette mesure qui n’a rien de formidable pour les pensions des femmes. L’octroi de droits familiaux financés par la solidarité nationale ne sera bénéfique qu’aux femmes s’ils sont automatiquement attribués aux femmes, tandis que dans la société, les inégalités perdureront. La majoration pourrait donc priver totalement les mères de droits au moment de la retraite compensant l’interruption de leur activité du fait de la maternité si le choix de la majoration se porte sur le père. Marlène Schiappa n’aurait donc pas relu le projet ? Qui sait ? Peut-être n’est-elle pas vraiment féministe… De plus, dans le système actuel des trimestres sont déjà octroyés pour compenser l’arrivée des enfants, et ce dès le premier enfant. En effet, le système actuel permet l’attribution de 4 trimestres à la mère pour l’accouchement, et 4 trimestres pour l’éducation attribués au choix à la mère ou au père de famille. De plus, il y a actuellement une majoration de 10 % de la pension de chaque parent à partir du 3e enfant qui fait aussi l’objet d’une réversion en cas de veuvage. Il faut donc comparer ce qui est comparable. Le gouvernement avance comme argument que dans le nouveau système il y aura une majoration de pension dès le premier enfant. Il y aura une belle avancée pour les parents d’un ou deux enfants qui ne bénéficiaient pas d’une majoration de pension. Pas vraiment en réalité, car le gouvernement a oublié de préciser qu’il supprimait les 8 trimestres offerts pour la maternité et l’éducation, puisque l’on ne prendra plus en compte les trimestres pour le calcul de la pension, et ces trimestres étaient déjà bel et bien octroyés dès le premier enfant. Il y avait donc deux dispositifs, dont un qui bénéficiait aux femmes dès le premier enfant, et désormais il n’en reste qu’un, qui peut ne plus bénéficier du tout aux femmes, si le couple choisit d’octroyer la majoration de pension de 5 % au père. Les femmes, grandes gagnantes de la réforme, vraiment ?

Le projet de réforme met en avant l’augmentation du minimum de pension de retraite, dit minimum contributif, qui est d’aujourd’hui environ 815 € par mois. Le projet aurait pour ambition de relever ce minimum à 85 % du SMIC net, c’est-à-dire environ 1000€ pour les personnes ayant droit au taux plein. Le gouvernement avance que cette augmentation bénéficiera essentiellement aux exploitants agricoles. Le minimum contributif du régime des exploitants agricoles (MSA) est certes de 870€ environ aujourd’hui, et un minimum contributif porté à 1000€ serait effectivement une réelle avancée pour eux, comme pour tous les bénéficiaires du minimum contributif actuel. Mais ce minimum contributif ne bénéficie toujours qu’aux personnes ayant droit au taux plein, ce qui, par conséquent, pénalise les personnes aux carrières interrompues ou ayant connu des périodes de travail à temps partiel et prenant leur retraite avant la validation du nombre minimal de trimestres ou avant 67 ans, c’est-à-dire les travailleuses et travailleurs déjà précaires.

« Moi, je n’aime pas le terme de pénibilité, parce qu’il donne l’impression que le travail est pénible »

L’aspect le plus injuste d’un régime universel de retraite est qu’il lisse les inégalités, rend les carrières équivalentes et nie les spécificités de chaque métier, de chaque mouvement effectué dans le monde du travail. Un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous, mais un euro cotisé équivaut-il au même effort pour tous ? Non, et c’est bien pourtant l’idée qui sous-tend le projet de réforme.

Revenons à l’un des facteurs de notre équation actuelle : l’âge légal de départ à la retraite, c’est-à-dire l’âge minimal à partir duquel l’on peut bénéficier d’une pension de retraite. Cet âge n’est pas fixé au hasard, il est le fruit de la prise en compte de plusieurs paramètres afin de garantir le fameux équilibre financier du régime. En effet, comme nous sommes dans un système par répartition, et que nous resterons dans un système par répartition avec la réforme, il est nécessaire que les travailleurs actuels cotisent suffisamment pour financer les pensions des retraités actuels. L’âge légal vise à garantir cet équilibre et est fixé notamment en fonction de l’espérance de vie moyenne de la population. C’est la raison pour laquelle il est régulièrement décalé depuis les années 2000. À ce constat, il est toutefois nécessaire d’en confronter un autre : l’espérance de vie n’est pas la même selon les catégories socio-professionnelles. D’après l’INSEE, l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est inférieure de 6,4 ans à celle d’un cadre. La différence entre un employé et un cadre s’élève à 4,1 ans. À l’heure où le débat sur la mise en place d’un âge pivot fait rage, faisant discrètement passer l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, il est opportun de rappeler que ces deux années n’ont pas le même poids pour un ouvrier, un employé et un cadre. Si un cadre ne souhaite pas nécessairement voir sa retraite diminuée de deux ans, un ouvrier se rapproche plus sensiblement encore de sa fin de vie. Cette méthode de calcul de l’âge légal de départ à la retraite est déjà actuellement profondément injuste, et l’universalisation du régime des retraites ne ferait qu’accentuer cette injustice, puisqu’aucune garantie n’est donnée notamment en ce qui concerne les dispositifs de prise en compte de la pénibilité.

Cette pénibilité, le gouvernement Macron ne souhaite pas la voir, il la nie depuis le début du quinquennat, et a même totalement supprimé le terme du dispositif créé par le gouvernement précédent : le fameux « compte personnel de prévention de la pénibilité », aussi appelé « compte pénibilité ». Avec les « ordonnances Macron » de septembre 2017, qui ont réformé le Code du travail, le compte pénibilité est devenu le « compte professionnel de prévention ». Le terme pénibilité a ainsi disparu du dispositif de réparation de la pénibilité au travail. Le 3 octobre 2019, à Rodez en Aveyron, le président de la République a déclaré avec l’inconséquence qu’on lui connaît « Moi, je n’adore pas le mot pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail c’est pénible ». Avec la fougue d’un jeune cadre dynamique n’ayant jamais porté de sacs de farine de 25 kg ou livré des pizzas à vélo sous la pluie à d’autres jeunes cadres dynamiques, le président justifie l’injustice de sa réforme des retraites. On se demandera alors quel est le rapport entre la pénibilité et la retraite ?

Le traitement de la pénibilité au travail se fait aujourd’hui sur deux plans, sur le plan de la prévention, en faisant par exemple intervenir les normes d’ergonomie, et sur le plan de la réparation, en offrant par exemple le droit de partir à la retraite de manière anticipée. Le compte pénibilité met aujourd’hui l’accent sur la « prévention », mais le dispositif de facto répare et ne prévient pas. Il permet d’acquérir des points à la suite d’une exposition à certains facteurs dont sont fixés des seuils à partir desquels les points sont validés. Ces points, à partir d’un certain nombre, sont alors convertis en heures de formation, puis, à partir d’un certain seuil, ils peuvent être utilisés soit pour un passage à temps partiel soit pour valider des trimestres en vue d’un départ anticipé à la retraite. Ce compte pénibilité est l’unique moyen de compenser la pénibilité au travail en reconnaissant in fine son impact sur l’espérance de vie et en ouvrant une possibilité de départ anticipé. Il est loin d’être satisfaisant, mais son existence a ouvert la voie à la reconnaissance du travail pénible, et c’est aussi un aveu de faiblesse. Un dispositif de réparation constitue la preuve que le travail est pénible, que la pénibilité n’est pas suffisamment prévenue en amont. On offre donc quelques mois de retraite supplémentaire aux travailleurs déjà cassés par leur travail, qui n’ont plus qu’à remercier les seigneurs pour leurs bons cœurs.

En 2017, les ordonnances n’ont pas seulement supprimé le terme de pénibilité mais aussi certains facteurs qui permettaient d’acquérir des points. Ce sont, certes, ceux qui étaient les plus difficiles (par difficiles nous entendons coûteux) à évaluer, mais aussi ceux qui couvraient un pan conséquent de la pénibilité : la « manutention manuelle de charges », les « postures pénibles », les « vibrations mécaniques » et les « agents chimiques dangereux ». Sur les 10 facteurs originels, 4 ont été supprimés. Cet aspect de la lourde réforme du droit du travail est passée inaperçue dans l’opinion publique, elle a pourtant enclenché un processus d’uniformisation du travail, qui se concrétise aujourd’hui dans l’uniformisation des retraites. Les régimes spéciaux attaqués actuellement sont précisément les régimes qui prennent en compte la pénibilité inhérente à certains métiers, en octroyant non pas des droits à un départ anticipé, mais des âges légaux de départ à la retraite prenant en compte cette pénibilité. Supprimer les régimes spéciaux, c’est nier la pénibilité inhérente à certains corps de métiers. Concernant les affiliés au régime général, que deviendra le compte pénibilité, aujourd’hui nommé compte professionnel de prévention avec la réforme des retraites qui représente la seule reconnaissance de la pénibilité au travail ? Permettra-t-il encore d’ouvrir des droits à départs anticipés, des « points gratuits » ?

Revient de façon récurrente dans les médias l’idée selon laquelle l’opposition à l’allongement de l’âge de départ à la retraite serait due à un changement de conception de ce que devrait être la retraite. La presse, à grand renfort d’éminents experts de JT, explique que, désormais, la retraite n’est plus vue comme la période de fin de vie à partir de laquelle un individu n’est plus apte au travail, ne représente plus une force productive, mais comme une seconde vie. Comme à leur habitude, les experts, sociologues et économistes, sous-entendent que les opposants à la réforme des retraites sont des fainéants qui ne veulent pas travailler, ce qui n’est pas sans rappeler la petite musique insidieuse sur l’assistanat. Serait-ce donc un mal pour la société de considérer qu’un individu n’est pas qu’une force productive soumise aux 35 heures ultra-flexibles, que le travail est pénible et que – à défaut de le rendre moins pénible ou de l’abolir – il est normal de financer par le biais de la solidarité une fin de vie décente aux travailleurs ?

Un projet dangereusement évasif

Il est nécessaire de ne pas passer à côté de la potentielle libéralisation des retraites dans le futur. Pour rappel, les retraites du régime de base sont financées par répartition, c’est-à-dire que les pensions des retraités sont financées par les cotisations des actifs. Or, il existe d’autres modes de financement des pensions, notamment par capitalisation, qui fonctionnent comme l’épargne. Les cotisations sont alors des investissements et peuvent rapporter aux organismes gestionnaires de ces sommes épargnées. Ces sociétés d’investissement, assurances ou banques, auraient tout intérêt à voir l’État se désinvestir de la gestion du financement des retraites, afin que les individus se tournent pour leur retraite vers l’épargne, procédé substantiellement injuste. Il n’est pour le moment pas question dans le projet gouvernemental de retraite par capitalisation. Néanmoins, certains doutes émergent quant aux intérêts du gouvernement lorsque Jean-François Cirelli, numéro 1 français de BlackRock, une société américaine spécialisée dans la gestion d’actifs ayant produit un rapport sur l’épargne retraite en France est nommé au rang d’officier de la légion d’honneur et lorsque le PDG de cette même société, Larry Fink est invité à l’Elysée en juillet dernier. Le système des retraites, à termes, ne suivrait plus une logique de solidarité mais de marché.

L’imprécision du projet de loi se caractérise notamment par le nombre conséquent d’articles, 23 exactement, qui habilitent le gouvernement à définir ultérieurement les paramètres de ce projet par voie d’ordonnance. Certains paramètres essentiels du nouveau système n’ont toujours pas été définis. Cette imprécision juridique inquiète même le Conseil d’État. Le gouvernement pourrait tout à fait revenir sur l’âge d’équilibre afin de le fixer par ordonnances si les partenaires sociaux ne réussissaient pas à se mettre d’accord. Auquel cas la CFDT aurait, en plus d’avoir saboté la grève, facilité le passage des dispositions visant à fixer une mesure d’âge pour garantir le fameux équilibre financier.

Parlons aussi du dialogue social. Le gouvernement a décidé de mettre les organisations syndicales au cœur du projet, comme pour la réforme du chômage. Que s’est-il passé pour la réforme du chômage ? Les organisations syndicales et patronales ont toutes refusé la réforme et le gouvernement est passé outre. Le dialogue social ne lui est utile que lorsque les organisations, ou plutôt certaines organisations, lui sont favorables. Lorsque ce n’est plus le cas, il passe outre. Rappelons-nous qu’en 2017 les ordonnances qui ont refondu le Code du travail ont mis au cœur du projet le dialogue social au sein de chaque entreprise, la possibilité pour toutes les entreprises de négocier leurs propres règles. Le droit du travail était devenu l’affaire des partenaires sociaux, la loi devait s’adapter aux particularités de chaque entreprise. Hier le gouvernement acclamait le particulier, aujourd’hui il le méprise et lui préfère l’universel. Loin d’avoir manqué de logique, il nous prouve qu’il n’utilise la négociation que pour servir ses propres intérêts. Les organisations qui jouent encore le jeu du dialogue ne sont que des acteurs de la mascarade gouvernementale. C’est ce qu’ont expérimenté avec amertume les 5 000 adhérents de la CFDT qui ont rendu leur carte depuis le début du mois de janvier.

N’oublions pas, pour le moment, le projet de loi n’a pas été présenté à l’Assemblée nationale. Le projet de réforme que nous combattons est un projet dont un certain nombre de paramètres essentiels ne sont pas définis, c’est un projet fondé sur un rapport du Haut-commissariat aux retraites, c’est-à-dire un projet rédigé par des « experts » de la question, et modifié par les interventions successives du Premier ministre. Les simulations, quelles qu’elles soient – c’est-à-dire venant du gouvernement, ou de notre bord – ne sont absolument pas fiables, puisque le principe d’un système par points est sa flexibilité, notamment avec la possibilité de modifier la valeur du point dans le temps. Rien n’est garanti, même les prétendues concessions du gouvernement ne sont que des façons de tester et d’apaiser l’opinion publique. Soyons sûrs qu’il nous concocte de nouvelles surprises, de nouvelles imprécisions, de nouvelles stratégies pour diviser ce qui aujourd’hui représente un front commun contre la réforme. Le projet est inacceptable et le statu quo insatisfaisant. Le système est en manque de financement (et non en déficit) mais ce manque de financement ne nécessite pas une réforme d’une telle ampleur, qui ne résoudrait fondamentalement rien en termes d’injustice. Le discours sur le déficit ne sert en réalité qu’à maintenir un état de crise qui nous force à faire des efforts, à culpabiliser et accepter le sacrifice de nos retraites sur l’autel des financiers.

Les gouvernements utilisent toujours les réformes des retraites pour modifier la philosophie de la sécurité sociale, briser le collectif et la solidarité. La question des retraites demeure une question de justice sociale, de répercussion des inégalités au-delà de la carrière professionnelle, c’est une question de conception de la société et non d’équilibre financier. Nous ne sommes qu’à la phase de test, saisissons-nous de cette réforme pour non pas se défendre mais contre-attaquer, faisons-en sorte que le projet de réforme n’arrive jamais devant l’Assemblée.

  1. Conseil d’État, Avis sur un projet de loi organique et un projet de loi instituant un système universel de retraite, janvier 2020
  2. Drees, Les retraités et les retraites, coll. « Panoramas de la Drees – social », Ministère des Solidarités et de la santé 2019.
  3. Mattmuller M., Ramos-Gorand M., « La génération 1950 : une retraite plus longue et une pension plus élevée que celles des assurés nés en 1944 et 1956 », in France, portrait social, INSEE, 2018.
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