Immigration : le sommeil de l’anti-impérialisme génère des monstres

On vient en France parce que la France nous a exploités, elle contrôle nos États, elle contrôle même nos monnaies ! […] Nous ne sommes pas d’accord qu’ils continuent à nous traiter ainsi, à nous offrir à des entreprises qui nous exploitent ici, et qui nous exploitent chez nous. 

Abdoulaye, porte-parole des Gilets Noirs

En écho aux mobilisations des Gilets Noirs et à l’expulsion du camp de migrants d’Aubervilliers, il nous a semblé intéressant de publier cet article du Collettivo Militant de Rome sur la question de l’immigration. Le contexte transalpin dans lequel il s’inscrit diffère par bien des aspects du contexte français : histoire coloniale plus limitée et assimilée à la période fasciste ; centralité des dynamiques de colonisation et d’immigration intérieures dans la construction de l’État italien ; passage récent de « pays d’émigration » à « pays d’immigration » (symbolisé par la transformation de la Lega de Salvini de parti séparatiste anti-méridional en parti souverainiste anti-immigrés) ; dépendance envers le Vatican et l’UE des structures d’accueil et d’aide aux travailleurs immigrés ; émergence politique encore balbutiante de la question des enfants de l’immigration postcoloniale etc.

Les deux postures à propos de la question de l’immigration qui sont ici attaquées (notamment lorsqu’elles se drapent des habits du « marxisme » ou qu’elle sont reproduites par la gauche, y compris « radicale ») ne nous sont toutefois pas inconnues. Les rappels théoriques et historiques des auteurs nous semblent donc salutaires et nécessaires, y compris de ce côté-ci des Alpes. Le sommeil de l’anti-impérialisme militant et de l’internationalisme prolétarien au sein des États occidentaux génère des monstres : le paternalisme moral – mais toujours intéressé – et le chauvinisme raciste, de plus en plus décomplexé. Pour briser cette tenaille idéologique, qui favorise la sur-répression et la sur-exploitation des prolétaires méditerranéens, africains et asiatiques au sein même des métropoles européennes, les discours ne suffiront pas :

Contre la répression, l’exploitation et l’impérialisme : soutien à l’autodéfense immigrée !

La question de l’immigration a représenté (et représente) l’une des questions fondamentales autour desquelles se jouera notre internalité parmi les salariés et notre capacité à exercer (pas seulement parmi eux) une quelconque forme d’hégémonie, ne serait-ce qu’à raison de la fonction clivante que cette question a joué au sein de la classe ces dernières années et de la place centrale qu’elle a prise dans le débat public. Et le fait que nous n’ayons pas la moindre stratégie politique à ce sujet, ni une analyse partagée des racines du phénomène dans son actualité concrète, ne nous aide certainement pas.

Pour être plus clair, nous sommes bien conscients du fait que l’histoire de l’humanité est marquée par les migrations continues des êtres humains et que celles-ci en sont même une partie constitutive et essentielle. Mais en s’arrêtant à cette lecture, que nous pourrions définir comme presque « éthologique » de l’immigration, nous courons le risque de « naturaliser » un phénomène qui est plutôt social, et donc « historique », et qui doit par conséquent être analysé et compris dans le contexte spécifique dans lequel il est déterminé. Nous parlons de millions d’êtres humains, de leur vie et de leurs histoires, et non d’oiseaux ou de baleines qui « migrent » du nord au sud selon les saisons ou les cycles de vie. Cela doit être clair, car sinon on finit par cacher, sans le vouloir, le simple fait (façon de parler) que dans le monde contemporain les principaux « facteurs de poussée » des mouvements migratoires (comme les « experts » appellent les facteurs qui poussent des millions de personnes à quitter les lieux où elles sont nées) sont liés au mode de production capitaliste dans sa phase impérialiste et à la manière (inégale) dont il dessine les rapports sociaux entre les classes, les peuples et les États. Une telle considération devrait même paraître banale pour ceux qui comptent le barbu de Trèves parmi leurs pères putatifs. Mais dans le cas présent, plus que jamais, le conditionnel est de rigueur.

En lisant en effet certaines des réflexions les plus importantes à l’heure actuelle sur le sujet de l’immigration, nous pouvons dire que l’élimination, plus ou moins consciente, de ce que nous pourrions appeler à ce stade le « facteur impérialiste », est un trait commun tant à la soi-disant « gauche morale » qu’à la « gauche immorale » qui, bien que minoritaire, tente de se constituer en antithèse de la première en s’imaginant plus pragmatique et plus réaliste, mais en étant en réalité tout aussi abstraite et inutilement cynique.

Essayons de mieux nous expliquer en abordant brièvement certaines des positions qui sont aujourd’hui majoritaires dans notre camp et qui, bien qu’elles reposent sur une solidarité éthique louable et méritoire, ne semblent pas être en mesure de dénouer les nœuds politiques de la question ni, encore moins, d’affronter les contradictions indéniables générées par les flux migratoires, préférant les nier et faire comme si elles n’existaient pas. Parler exclusivement de « liberté de mouvement » sans aborder en même temps la question principale, qui est la négation de la « liberté de rester », peut être attirant pour les enfants éduqués de l’élite mondiale qui décident de dépenser là où ils veulent leur potentiel, les « skills » qu’ils ont acquis dans des universités prestigieuses, mais c’est un raisonnement qui semble plutôt hypocrite quand on essaie de l’appliquer à ceux qui sont obligés d’échapper à la pauvreté, à la guerre ou à l’absence absolue de perspectives. « Forcée », oui, parce que lorsque nous parlons d’immigration, après tout, c’est de cela que nous parlons : de contrainte à la circulation, pas de « liberté ». Que ce soit par les mécanismes impersonnels des lois du marché mondial, par les bombardements dont on se sert pour « exporter la démocratie », par la tyrannie de quelques satrapes mis en place pour défendre les intérêts de telle ou telle multinationale, par une guerre par procuration ou des catastrophes écologiques liées à l’exploitation irrationnelle des ressources énergétiques, peu importe. Le concept de « libre choix » est un principe abstrait qui ne tient pas face au caractère concret de l’oppression économique et sociale.

Mais aussi parce que, si l’on se réduit à observer le phénomène exclusivement sous cet angle, on finit paradoxalement par défendre l’immigration en tant que « droit universel » ou « droit de l’homme » et non les immigrants comme des exploités, comme des personnes poussées à se déplacer en raison de leur condition d' »homme sans droits ». Ce qui d’ailleurs, quand on y pense, serait un peu comme défendre le système capitaliste et la « liberté » de vendre sa force de travail comme une marchandise en échange d’un salaire, plutôt que d’organiser les salariés pour renverser le système qui les génère. Une différence qui n’est pas exactement insignifiante et qui va de pair avec un autre malentendu assez courant dans nos milieux, à savoir la conviction que dans un monde intolérablement inégalitaire, l’immigration représente cependant une forme, même si elle est indirecte, de redistribution des richesses aux plus démunis, alors que c’est exactement le contraire qui est vrai. L’immigration est une autre forme de pillage des pays impérialistes au détriment des pays pauvres, d’où est importée une main-d’œuvre bon marché, souvent qualifiée et formée aux frais du pays d’origine, pour être exploitée afin de produire de la valeur et des profits qui resteront ensuite fermement soudés de ce côté-ci du mur. Elle ne permettra jamais d’abattre cette frontière immatérielle qui sépare le Nord global du Sud global, ni de réduire le fossé entre centre et périphérie, mais plutôt de l’approfondir et de le rendre structurel.

Immigration : le sommeil de l’anti-impérialisme génère des monstres

Il est significatif de voir comment l’analyse de ces processus de pillage a été complètement inversée depuis que l’Italie est passée de pays exportateur à pays importateur de main-d’œuvre. Et ce n’est même pas un hasard si l’indignation et l’émotion justes et sacro-saintes à propos des massacres d’immigrés en Méditerranée correspondent souvent au désintérêt, quand ce n’est pas au véritable soutien idéologique pour les politiques néocoloniales et prédatrices menées par les soi-disant « nations développées », ainsi qu’à l’indifférence totale pour ces millions de personnes impliquées dans les mouvements migratoires Sud-Sud et qui n’ont pas la « chance » d’éveiller la pitié des médias occidentaux. Il suffirait de réfléchir à la paresse de la « gauche morale » quant au récent « coup d’État du lithium » en Bolivie afin de s’en rendre compte, pour prendre l’exemple le plus proche de nous dans le temps.

Si ce sont là les positions de la gauche humanitaire, il y a cependant une petite patrouille de « souverainistes de gauche » qui tente de se tailler un rôle en tant qu’antithèse de l’angélisme mainstream et qui adopte une position de plus en plus « intransigeante » mais, à notre avis, tout aussi inconsistante, en matière d’immigration.  Sans vouloir faire de tort à qui que ce soit, nous essayons de supposer comme manifeste politique de ce milieu Le travail importé. Travail, salaire, État social, un livre d’Aldo Barba et Massimo Pivetti récemment publié par les gars de Meltemi. Le travail des deux professeurs a le mérite, au moins dans la première partie, de prendre le taureau par les cornes en essayant de quantifier le phénomène et d’indiquer les « contradictions au sein du peuple » qui en résultent, sans tact et sans tabous. Les deux auteurs écrivent dans le premier chapitre : l’impressionnant phénomène migratoire qui a touché la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni au cours des trois dernières décennies a fait passer le nombre de personnes nées à l’étranger et vivant dans ces quatre pays de 16,9 millions à 37,6 millions entre 1990 et 2018, soit un nombre égal à la population totale des Pays-Bas, de la Belgique et de la Suède.

Selon les données fournies par les Nations Unies et Eurostat, la plus forte augmentation en termes absolus a été enregistrée en Allemagne (7,8 millions), tandis que la plus forte augmentation relative s’est produite en Italie, où le pourcentage d’immigrants résidants a plus que quadruplé en trente ans, passant de 2,5 % à 10,2 %. Comme le soulignent les auteurs, il faut également tenir compte du fait que la répartition des immigrants sur le territoire n’est pas du tout homogène, mais qu’elle se concentre, bien évidemment, dans les zones économiquement plus développées et les périphéries urbaines. Tout comme il est nécessaire de garder à l’esprit la différence entre flux « bruts » et « nets » quand il s’agit de mesurer la vitesse à laquelle la composition de la population immigrée change. Barba et Pivetti nous expliquent également comment, toujours dans les quatre pays pris en considération, si l’on ne prend en compte que la main-d’œuvre âgée de 20 à 64 ans (118,5 millions), le pourcentage d’immigrés par rapport à la population active passe à 16,2 % (19,2 millions). En limitant le champ d’observation à l’Italie de 2005 à 2018, le nombre de personnes employées est passé de 21,8 à 22,5 millions, avec une augmentation de 700 000 unités, mais dans la même période, le nombre de travailleurs employés nés en Italie a diminué de 800 000, tandis que ceux nés à l’étranger ont augmenté de 1,5 million, portant le nombre total de travailleurs immigrés employés présents dans notre pays à 3,2 millions – que l’on retrouve principalement dans la construction, l’industrie, les services de santé et d’aide à la personne et ceux peu spécialisés. En termes absolus. Avec 675 000 personnes employées, le secteur des services collectifs et à la personne est celui où la présence de travailleurs étrangers est la plus forte, suivi par environ 400 000 travailleurs employés dans le secteur industriel au sens strict, tandis qu’en termes relatifs, le pourcentage le plus élevé de travailleurs immigrés se trouve dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

Peut-être que ces chiffres, ajoutés à ceux des chômeurs et des demandeurs d’emploi, suffiraient à briser le premier et le plus grand des tabous qui se sont imposés à la gauche sur la question de l’immigration, à savoir qu’il n’y aurait pas de « concurrence » objective entre les travailleurs italiens et les travailleurs étrangers, et que la disposition à « faire plus pour moins » de la part de ces derniers (surtout s’ils sont dans une situation d’irrégularité imposée) ne contribue pas à maintenir les salaires à un niveau bas. Il est évident que si vous êtes une profession libérale, un professeur d’université ou un employé d’une start-up numérique, cette concurrence n’est pas perçue directement, au contraire, vos revenus peuvent même être augmentés par le fait que le coût de certains services à la personne est nivelé vers le bas (soignants, travailleurs domestiques, etc.), mais nier ce fait signifie simplement ne jamais avoir mis les pieds sur un chantier, dans une cuisine de restaurant ou dans un entrepôt logistique. Supprimer une contradiction, aussi épineuse soit-elle, la retirer simplement de son champ de vision en faisant l’autruche ne signifie pas la résoudre, ou même se mettre en position de la traiter, avec pour résultat que notre crédibilité vis-à-vis de ceux qui, par contre, font chaque jour face à cette contradiction, est tombée à un niveau historiquement bas.

Immigration : le sommeil de l’anti-impérialisme génère des monstres

Mais les aspects positifs du livre de Barba et Pivetti s’arrêtent là, car dès que nous passons de la partie analytique à la proposition politique, nous tombons sur une suite de propos absolument régressifs à nos yeux et inadmissibles. Mais laissons la parole aux deux auteurs – après avoir acté l’inutilité de l’Union européenne à cet effet, ils écrivent : Une politique d’immigration stricte devrait s’articuler autour de quatre axes principaux : le premier concerne la réglementation des nouvelles entrées ; le deuxième l’élimination de l’immigration clandestine déjà présente sur le territoire national ; le troisième la lutte contre les nouvelles entrées illégales, c’est-à-dire la question de la défense des frontières nationales et surtout des frontières maritimes ; enfin, le quatrième concerne la politique étrangère de l’État italien. Après avoir passé en revue une série de mesures présentées comme « concrètes », parmi lesquelles nous citons la restriction des conditions nécessaires à la délivrance de permis d’entrée pour des raisons humanitaires ; le resserrement des paramètres nécessaires au renouvellement du permis de séjour ; la réglementation plus stricte des règles relatives au regroupement familial par le biais de liens de parenté et de liens relatifs au degré et à l’âge de la parenté ; l’accélération des mesures d’expulsion qui donnent toujours lieu à la même exécution forcée ; l’adoption, comme au Royaume-Uni, du principe « d’abord l’expulsion et ensuite le recours » pour remédier aux recours contre les mesures d’expulsion ; la garantie (étant donnés les coûts globaux insoutenables, ndlr) d’un nombre annuel cohérent et systématique de retours à la frontière à utiliser comme facteur de dissuasion ; l’augmentation des reconduites à la frontière, selon les deux auteurs : En ce qui concerne un contrôle des flux migratoires ainsi défini, la principale difficulté n’est pas le manque d’outils pour le mettre en œuvre, ni l’absence d’un large consensus populaire sur l’opportunité de leur emploi. Il s’agit plutôt des intérêts des entreprises et du fait que dans le débat politique et public, la question des flux migratoires est traitée en termes de pulsions racistes et xénophobes.

En bref, il nous semble comprendre que pour Barba et Pivetti, s’ils voulaient vraiment mettre en œuvre ces politiques de lutte contre l’immigration, les travailleurs (italiens, ça va sans dire) sous la houlette de « souverainistes de gauche » devraient, avant tout, « prendre possession » de l’État malgré les (faux) souverainistes type Salvini qui prêchent bien, mais agissent mal. Nous nous demandons donc : mais une fois qu’ils ont pris les leviers de la sphère publique, pourquoi les travailleurs devraient-ils se mettre en colère contre les plus faibles et ne pas s’en prendre directement à ceux qui concentrent la quasi-totalité des richesses nationales dans très peu de mains ? À entendre parler de l’immigration exclusivement en ces termes, on aurait presque l’impression de se trouver dans une situation de rareté objective des biens et des ressources, et que par conséquent, en réduisant le nombre d’individus parmi lesquels se partager le gâteau, les tranches seraient plus épaisses (en mode mors tua vita mea1). Mais nous savons que ce n’est pas le cas. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître en temps de crise économique, nous ne vivons pas dans une ère de rareté mais plutôt dans une ère d’abondance. La crise dans laquelle se débat le système capitaliste est une crise de surproduction de biens et de capitaux, et si tout le monde ne peut pas jouir de la richesse sociale, ou plus précisément si la grande majorité de la planète ne peut pas profiter des immenses possibilités dont nous disposons, c’est parce que les lois internes réglementant ce mode de production ne le permettent pas.

Enfin, il y a un dernier aspect du texte (dans lequel, probablement pas par hasard, l’impérialisme n’est jamais mentionné) qui mérite qu’on s’y attarde car il est extrêmement significatif par rapport à l’opération culturelle qui le sous-tend. Pour assumer une telle posture, qui rompt objectivement non seulement avec l’humanitarisme larmoyant d’une certaine gauche mais aussi avec le concept même de solidarité de classe internationale, les deux auteurs ont en fait été « contraints » de soumettre à une critique féroce à la fois la tradition culturelle marxiste et ce qui est désigné comme son « péché originel »: l’internationalisme prolétarien. Et ils l’ont fait en consacrant un chapitre entier mais bancal à l’analyse de trois des écrits de Lénine sur l’immigration dans lesquels, selon les auteurs,  serait démontré à quel point le révolutionnaire russe considérait l’anticolonialisme et l’ouverture des frontières à la circulation des travailleurs comme les deux faces d’une même pièce. Les deux compères semblent également « blâmer » Lénine (mais nous espérons ici avoir mal compris le passage de leur texte) pour s’être opposé, lors du Congrès socialiste international de Stuttgart en 1907, à la thèse qui soutenait la nécessité d’une « politique coloniale socialiste » et pour avoir au contraire « imposé » l’adoption de certaines lignes directrices concernant l’attitude à adopter à l’égard des travailleurs immigrés. Dans les pays d’immigration – regrettent-ils – il fallait se battre pour « l’abolition de toutes les restrictions qui excluent ou rendent difficile l’accès de certaines nationalités ou races aux droits sociaux, économiques et politiques des autochtones et à la naturalisation », pour « la protection du travail par la réduction de la journée de travail, l’établissement d’un salaire minimum, l’abolition du paiement à la pièce, la réglementation du travail à domicile, le contrôle strict des conditions d’hygiène et de logement » ; pour « l’accès sans restriction des migrants aux syndicats dans tous les pays » et « l’établissement de cartels syndicaux internationaux ». Dans les pays d’émigration, par contre, pour « une propagande syndicale active » ; pour « l’information du public sur la situation réelle des conditions de travail dans les pays d’immigration » ; pour « les accords entre les syndicats des pays d’émigration et d’immigration » et « la surveillance des agences maritimes et des bureaux d’immigration, avec éventuellement des mesures juridiques et administratives à leur encontre, afin d’empêcher que l’émigration ne soit organisée dans l’unique intérêt des sociétés capitalistes ». Bref, quoi qu’en disent Barba et Pivetti, c’est exactement ce qu’une classe restée digne de ce nom devrait faire, aujourd’hui encore.

Terminons cependant en citant directement un passage de la lettre de 1915 écrite par Lénine au secrétaire de la « ligue pour la propagande socialiste » et qui a suscité une telle perplexité chez les deux auteurs : dans la lutte pour un véritable internationalisme et contre le « chauvinisme socialiste » dans notre presse, nous citons toujours l’exemple des dirigeants opportunistes du parti socialiste américain, qui sont précisément favorables à des restrictions de l’immigration malgré les décisions du congrès de Stuttgart. Nous pensons qu’on ne peut pas être socialiste et en même temps être en faveur de telles restrictions. Et nous pensons que les socialistes d’Amérique, qui appartiennent à la nation dominante oppressive, qui ne sont pas contre toutes les restrictions à l’immigration et pour la liberté totale des colonies, ne sont en fait que des socialistes chauvins. Plus de cent ans sont passés, mais le jugement est toujours valable.

  1. « Ta mort ma vie » en latin, ou « ton mal mon bien » pour faire dans la citation francophone et plus contemporaine (NDT).
Partager