Défouloir répressif contre la Marche des Libertés à Paris

Photo Tulyppe

Alors que la LDH avait appelé à manifester partout en France sauf à Paris, alors qu’Attac, Solidaires et la CGT s’étaient retirés de l’appel à la manifestation contre la Loi Séparatisme lancé par le Collectif du 10 novembre, alors que la gauche mettait sur un pied d’égalité la répression et l’autodéfense populaire, la Marche des Libertés a réuni plus de 10 000 personnes cet après-midi entre la Place du Châtelet et celle de la République, sous une pluie battante.

Dès son départ et de manière quasi ininterrompue, le cortège, où figuraient de nombreux Gilets Jaunes, a subi les attaques de la police, dont la tactique de maintien de l’ordre a été aujourd’hui d’une agressivité rarement vue à Paris. Les CRS, secondés par des unités de BRAV, ont chargé à d’innombrables reprises, arrachant des banderoles, interpellant des gens au hasard, faisant des incursions gratuites au sein de la manifestation, tabassant de manière indiscriminée, alors que le cortège ne déployait pas la moindre offensivité.

Le dispositif, pléthorique, a encadré la manif des deux côtés tout du long. En somme une tactique à l’allemande, avec des « bonds offensifs » récurrents (pour reprendre la terminologie policière adoptée par les médias signifiant : charger dans le tas), les matraques et les flashballs remplaçant les coups de poing. Le cortège des Brigades de Solidarité Populaire a par exemple été sauvagement attaqué et compte plusieurs interpellations dans ses rangs.

La presse annonce près de 150 interpellations à l’heure où nous écrivons ces lignes. Alors qu’il y a deux semaines, face au rapport de force numérique et dans le sillage de la vidéo du passage à tabac de Michel Zecler qui avait réimposé dans le débat public la question des violences policières, le dispositif s’était tenu à distance, il est clair qu’aujourd’hui les FDO ont appliqué des consignes d’intervention systématique dans un objectif de pure communication, cherchant à gonfler les chiffres au maximum.

Malgré ce harcèlement répressif constant, le cortège, emmené notamment par le Collectif du 10 novembre et Urgence Notre Police Assassine a réussi à rallier la Place de la République, où de nouvelles tensions ont eu lieu, alors que plusieurs canons à eau étaient déployés. Des prises de parole ont rappelé la bascule islamophobe que cristallise la Loi Séparatisme et la nécessité d’articuler un parcours commun de lutte contre l’autoritarisme d’État. En effet, la Loi Sécurité Globale est une réponse politique directe à l’intensification de la conflictualité sociale caractéristique de la dernière séquence (2016-2020) ; elle est aussi plus profondément le symptôme de la crise de légitimité d’un État français incapable de produire du consentement. On ne peut toutefois pas l’envisager sans considérer sa combinaison avec la Loi Séparatisme dont l’objectif évident est d’empêcher toute convergence entre l’ébullition que connaissent les classes populaires blanches et la révolte du prolétariat non-blanc.

Dans un tel contexte, la gauche – Jean-Luc Mélenchon en tête – montre, une fois de plus, son aveuglement vis-à-vis de la réalité effective du tournant autoritaire et sa déconnexion avec le mouvement réel. Son incapacité à en saisir les dynamiques l’amène à une position de complicité objective avec le gouvernement. La répression qui s’est abattue aujourd’hui est aussi le fruit de cette complicité, et de la défection des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier. Face à cela, on se réjouit que les rencontres entre l’anti-racisme politique, les gilets jaunes et les différentes formes d’auto-organisation de la jeunesse issue du cortège de tête soient en capacité de tenir la rue et de ne pas glisser dans la tombe que la gauche est en train de nous creuser.

Défouloir répressif contre la Marche des Libertés à Paris
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