Danilo Montaldi - Les trois « L » : Liebknecht, Lénine, Luxemburg

Le 5 janvier 1919 débutait l’insurrection spartakiste. Ce jour-là, les rues de Berlin étaient envahies par des manifestants luttant contre la destitution du préfet socialiste indépendant Eichorn par le gouvernement social-démocrate.

Les militants du KPD (parti communiste allemand) ont largement participé à ces manifestations, donnant à cette journée de lutte et aux suivantes une dimension radicalement différente.

En effet, les mobilisations se sont transformées en une véritable insurrection avec occupation des plus importants bureaux de presse de Berlin. Le lendemain, l’imprimerie d’État où l’on imprime le papier-monnaie était conquise, et il y a même eu une tentative d’assaut armé contre le ministère de la Guerre. Mais rapidement les camarades du KPD se sont retrouvés en difficulté du fait de l’attaque des forces contre-révolutionnaires sur les bureaux du journal Rote Fahne. Deux jours plus tard, le quartier général du parti communiste était détruit et les travailleurs armés contraints de se rendre dans tous les quartiers de Berlin.

Immédiatement, la répression a été déchaînée de la part des forces contre-révolutionnaires et des Freikorps, issus de l’extrême droite allemande (dont la plupart des membres se retrouveront dans les années 1930 au sein des bandes hitlériennes), qui ont abattu sans procès des centaines de cadres communistes.

Quelques jours avant sa mort, Rosa Luxemburg, consciente du danger et considérant l’acharnement contre les Spartakistes, avait expliqué dans les colonnes de la Rote Fahne la raison de cette escalade : « aujourd’hui, ce sont les autres, ceux qui profitent de la peur, du gouvernement de la terreur et de l’anarchie, ce sont les bourgeois qui tremblent pour leurs richesses et leurs privilèges, pour la propriété et le pouvoir qu’ils en tirent ».

À l’occasion du 102ème anniversaire du début de l’insurrection spartakiste nous publions ce court texte de Danilo Montaldi, publié en février 1955 dans le journal Battaglia comunista, dans lequel le chercheur et militant italien rend hommage à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, plaçant leur combat dans le sillage de celui de Lénine.

Danilo Montaldi – Les trois « L » : Liebknecht, Lénine, Luxemburg

Liebknecht, Lénine et Rosa Luxemburg n’ont jamais été, à aucun moment de leur vie, du côté de ceux qui trompent les masses prolétariennes par une politique d’opportunisme et de trahison. Les commémorer le jour anniversaire de leur mort est pour nous une occasion qui nous permet de rappeler à ceux qui ne le savent pas, mais surtout à ceux qui l’ont oublié (parce qu’il est commode d’oublier), ce qu’était leur enseignement, et en quoi celui-ci est pertinent aujourd’hui.

Le chemin qu’ils nous montrent est le même que celui qui a conduit à la création du parti communiste à Livourne en 1921, c’est le chemin de la victoire des travailleurs armés en Russie en 1917, c’est le chemin du marxisme révolutionnaire. Nous ne nous écartons pas de cette route.

Mobilisé après son célèbre discours de dénonciation au Reichstag le 2 décembre 1914, Karl Liebknecht n’avait pas hésité à poursuivre son combat et, le 1er mai 1916, sur la place de Potsdam, il avait prévenu la classe ouvrière allemande et, à travers elle, l’ensemble du prolétariat mondial : « le véritable ennemi est à l’intérieur de notre pays ». Incarcéré pour ses positions de classe, c’est le soulèvement des marins de la Baltique en novembre 1918 qui le libérera des prisons bourgeoises.

Après la proclamation de la république démocratique, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg ont intensifié leur activité révolutionnaire qui a culminé en 1919 avec la création du parti communiste allemand. Parce qu’ils ne sont pas tombés dans le piège démocratique tendu aux masses.

« Des masses travailleuses compactes investies de tout le pouvoir politique en vue des tâches de la révolution : voilà ce qu’est la dictature du prolétariat et en même temps la vraie démocratie. Ce n’est pas là où les esclaves salariés sont “égaux” aux côtés des capitalistes, les prolétaires des campagnes aux côtés des seigneurs pour débattre de “leurs intérêts communs”, selon le système parlementaire, ce n’est pas là que la démocratie existe, mais plutôt là où les masses prolétariennes prennent dans leurs mains calleuses le marteau du pouvoir pour frapper avec dans la nuque de la classe dirigeante. La vraie démocratie n’existe que là. Le reste n’est que tromperie pour le peuple. »

Ce sont ces concepts clairs qui ont guidé Liebknecht et Rosa dans leur lutte aux côtés des ouvriers allemands, jusqu’à ce que la classe bourgeoise, avec le soutien des opportunistes – ennemis de tout temps – stoppe leur marche dans les rues de Berlin le 15 janvier 1919.

À leur égale grandeur, il n’y avait que Lénine, le Lénine de la lutte contre les « liquidateurs » légalistes, le Lénine qui faisait mousser de rage impuissante les maîtres du capital, leurs journalistes et serviteurs. Ce Lénine qu’on a voulu embaumer sur une place de Moscou où la révolution reviendrait comme elle l’a fait sur les places de tous les autres pays, qu’ils soient démocratiques ou fascistes. Ce Lénine qui, contre tout le monde, a su affirmer quelle tragique tromperie est, dans son essence, la démocratie bourgeoise, sa loi et sa Constitution, et qui a gravé dans l’histoire les prodigieux enseignements de l’Octobre Rouge en lettres de feu.

Avant même son émancipation totale, le prolétariat commémore les trois « L » dans chaque usine, dans chaque lieu où le travail humain est humilié et exploité, non pas sur les places des meetings officiels, mais en poursuivant le travail révolutionnaire dans la lutte quotidienne.

Parmi eux se trouvent également Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, fondateurs tout d’abord du Spartakusbund, une organisation qui avait pour but d’organiser la lutte au nom des principes de l’internationalisme prolétarien, et ensuite, au début de la révolution russe, après la rupture avec les sociaux-démocrates, fondateurs du KPD.

Suite à l’insurrection berlinoise, Luxemburg et Liebknecht ont été capturés et emmenés à l’hôtel Adlon. Après de nombreux jours de torture, le 15 janvier, ils ont été escortés, inconscients, hors du bâtiment par des soldats allemands et transférés à la campagne en dehors de Berlin. Rosa Luxemburg a été frappée avec la crosse d’un fusil, et achevée d’un coup à bout pourtant, Karl Liebknecht a été tué d’une balle dans la tête, puis ils ont été jetés à l’eau. Leurs corps ont été retrouvés seulement quelques mois plus tard ; les autorités ont réussi à empêcher qu’ils soient enterrés à Berlin, par peur de manifestations et d’incidents.

Via Infoaut

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