Un ancien militant du Collectif Palestine Vaincra réagit à la dissolution du groupe engagée fin février par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, et entérinée le 10 mars. Retraçant les grandes étapes de son parcours militant centré sur le soutien à la résistance contre l’État sioniste et la campagne pour la libération des prisonniers palestiniens, il met en perspective la répression dont le collectif est la cible dans le cadre plus large du tournant autoritaire de l’État français et de son alliance stratégique avec Israël.
Pouvez-vous revenir sur l’histoire de votre organisation, sa naissance, ses axes principaux de travail et sa stratégie politique ?
Le Collectif Palestine Vaincra a été fondé en mars 2019 à la suite d’une dizaine d’années de travail en soutien à la résistance palestinienne en général et à Georges Abdallah en particulier, dans la région de Toulouse. Le travail du collectif consistait à développer une solidarité anti-impérialiste avec le peuple palestinien qui lutte depuis plus de 70 ans contre l’une des dernières colonisations de peuplement de la planète : l’État sioniste. Cela passait par un travail régulier de terrain dans le centre-ville et dans plusieurs quartiers populaires toulousains autour de campagnes de solidarité et de mobilisation, par exemple pour le boycott d’Israël, pour la défense de la légitimité de la résistance face à l’occupation, pour la libération des prisonnier.e.s palestinien.ne.s et Georges Abdallah, ou encore localement contre le jumelage de Toulouse avec Tel-Aviv, etc. Un engagement qui existe en France depuis plus de 50 ans à travers de nombreuses organisations et qui est aujourd’hui gravement criminalisé.
Vous avez été dissous il y a quelques jours : comment en avez-vous été informés ?
Nous en avons été informés par un tweet du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le jeudi 24 février en fin d’après-midi. Cela a été suivi par la remise d’un document qui annonçait la volonté du gouvernement d’engager une procédure de dissolution qui a été validée en Conseil des Ministres le 9 mars dernier. Le lendemain, le jeudi 10 mars, le décret de dissolution est paru au Journal Officiel rendant effectif l’interdiction du collectif en France.
Avant le CPV, d’autres organisations, notamment de lutte contre l’islamophobie, avaient été ciblées par des procédures de dissolution. Comment envisagez vous la procédure visant le CPV dans le cadre du tournant autoritaire de l’État d’une part, de la criminalisation du soutien à la cause palestinienne d’autre part ?
Depuis le début du quinquennat Macron, on a vu un virage autoritaire s’opérer notamment à travers la dissolution de nombreuses organisations musulmanes et/ou antiracistes ainsi que l’adoption de lois liberticides, comme la loi sur le prétendu « séparatisme » ou celle dite de « sécurité globale ». La dissolution du Collectif Palestine Vaincra s’inscrit évidemment dans cette dynamique réactionnaire mais elle a une dimension particulière autour de la criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine.
En effet, la France est un allié stratégique de l’occupation israélienne et développe dans ce cadre une politique de répression importante contre les partisan.e.s de la justice en Palestine. Cela passe par la poursuite de militant.e.s de la campagne de boycott d’Israël ou encore les tentatives d’amalgamer l’antisionisme et l’antisémitisme. Mais depuis plusieurs années, on observe une radicalisation de la position française de soutien à l’apartheid israélien. La dernière en date est la sortie de Jean Castex au dîner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) qui affirme que « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif », une déclaration qui confirme un alignement sur l’extrême droite israélienne au moment où celle-ci poursuit sa politique de nettoyage ethnique dans la ville palestinienne occupée, en particulier dans les quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan.
Dans le décret de dissolution, le soutien au FPLP et à Georges Abdallah vous est particulièrement reproché. Qu’en pensez-vous ?
Le fait que le soutien aux prisonnier.e.s palestinien.ne.s, en particulier Ahmad Sa’adat et Georges Abdallah, soit invoqué comme un motif de dissolution en dit long sur le caractère politique d’une telle décision. Non seulement l’État sioniste et ses alliés emprisonnent les Palestinien.ne.s qui luttent pour leur droit à l’autodétermination, mais c’est maintenant au tour des organisations qui soutiennent ces prisonnier.e.s d’être criminalisées. Rappelons que récemment, deux organisation de soutien aux prisonnier.e.s palestinien.ne.s ont été classées comme « organisations terroristes » par Israël : le réseau international de solidarité avec les prisonnier.e.s palestinien.ne.s Samidoun et Addameer. C’est donc aujourd’hui le Collectif Palestine Vaincra qui est dissous en France, pour des motifs similaires. Ce sont des attaques extrêmement graves qui doivent être largement dénoncées. Cela met en avant l’importance et la centralité de la cause des prisonnier.e.s palestinien.ne.s qui incarnent aujourd’hui le véritable leadership de la résistance palestinienne pour le retour et la libération de la Palestine de la mer au Jourdain.
Quelle stratégie allez-vous engager pour la suite ?
Au niveau juridique, le collectif engage un recours devant le Conseil d’État afin de contester cette dissolution. En parallèle, un Comité contre la dissolution du Collectif Palestine Vaincra va voir le jour. Il rassemble de nombreuses organisations politiques, syndicales, et des collectifs qui ont décidé de développer une campagne de solidarité pour dénoncer ces attaques et la criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine. Il s’agit en effet d’une attaque contre l’ensemble des organisations engagées contre le colonialisme, le racisme et l’impérialisme. Il faut donc faire front commun pour lutter contre cette offensive répressive ! Prochainement, des initiatives de soutien devraient avoir lieu dans plusieurs villes en France et à l’étranger.