Après plusieurs semaines d’une campagne qui ne disait pas son nom, Éric Zemmour a enfin officialisé sa candidature à la présidence de la République, comme tout le monde s’y attendait.
Sa vidéo d’annonce est d’une ringardise passéiste qui frôle la parodie : aux images d’archives en noir et blanc de l’INA censées susciter la nostalgie d’une « France d’avant » fantasmée succède l’évocation du temps glorieux des « chevaliers et des gentes dames », après quoi Zemmour s’approprie sans honte des figures célèbres de notre histoire littéraire, musicale ou cinématographique lors d’une interminable séquence de name-dropping. On y voit même se référer à Jean Moulin celui qui ne cesse de défendre Vichy et la Collaboration.
Mais l’affect central de son discours reste le même : l’angoisse paranoïaque de l’étranger, la mythologie du grand remplacement, la guerre de civilisation. Pour lui donner plus d’impact encore, il fait défiler pêle-mêle des images de prolétaires non-blancs entassés dans une rame de RER bondée, d’émeutes urbaines et de véhicules incendiés, de campagnes publicitaires montrant des jeunes femmes voilées… ce montage hallucinogène visant bien sûr à conforter l’idée que les Français seraient désormais des étrangers dans leur propre pays, des « exilés de l’intérieur ». Le tout avec en fond sonore la 7ème Symphonie d’un Beethoven qui doit se retourner dans sa tombe.
Cette mise en scène serait simplement grotesque et ridicule si elle n’était pas aussi le manifeste d’une campagne qui, quelle que soit son issue, aura marqué un tournant politique et idéologique.
Zemmour retrace la frontière du dicible et de l’indicible dans le débat public. Là où ceux – politiciens conservateurs ou sociaux-démocrates, intellectuels réactionnaires et journalistes serviles – qui lui ont préparé le terrain depuis des années se dissimulaient derrière une apparente modération discursive, Zemmour ne s’encombre plus d’aucun filtre : son racisme est explicite, son attaque ouverte et décomplexée contre toutes celles et tous ceux qui, par leur existence même, souilleraient l’identité immuable de la France éternelle.
Mais Zemmour retrace aussi peut-être la frontière du faisable et de l’infaisable. Car le versant pratique de ce déclinisme crépusculaire ne saurait faire de doute : ce qui nous attend est un saut qualitatif dramatique dans la persécution des musulmans et des étrangers, l’impunité offerte aux forces de police, la répression militarisée de toute contestation sociale, la contre-révolution idéologique. En somme tous les éléments d’un processus de fascisation qui, depuis bien avant Zemmour, s’approfondit au sein même de l’appareil d’État et des institutions de la République.
Dimanche prochain doit se tenir le grand meeting parisien de Zemmour à la Villette. Ces dernières semaines, de Nantes à Marseille en passant par Lyon, l’extrême-droite a été accueillie par des mobilisations populaires parfois imprévues, toujours déterminées. Mettons nous à leur école, suivons leur exemple. Puisque la campagne de Zemmour ne semble rencontrer aucun autre obstacle que l’autodéfense populaire, organisons nous pour bloquer son meeting au Zénith. Plutôt que de participer à une manifestation impuissante à plusieurs kilomètres de distance, rassemblons-nous dès 12h aux abords du parc de la Villette. Ainsi nous montrerons que face à la campagne d’un candidat qui tente de rendre majoritaire son projet suprémaciste, une unification populaire est possible, partant de la rue pour construire une alternative égalitaire et émancipatrice.
Nous étions plusieurs milliers samedi dernier pour affirmer la nécessité d’un antifascisme autonome, aux côtés des familles de victimes de crimes policiers, des syndicalistes et des gilets jaunes. Soyons encore plus nombreux dimanche prochain pour faire taire Éric Zemmour et faire passer la riposte à un niveau supérieur.
[Zemmour ayant annulé son meeting au Zénith sous la pression de la mobilisation antifasciste, pour le déplacer à Villepinte, un nouvel appel à se rendre sur place circule]