Aujourd’hui : l’état de guerre, c’est très concret

Nous sommes bien protégés. Grâce à la lucidité de Darmanin, qui voit bien que la pieuvre séparatiste étend partout ses tentacules, ici dans l’échoppe d’un barbier, là dans un kebab halal, là encore dans une école ou dans un bar à chichas. Sous l’autorité des préfets, des armées de fonctionnaires diligentent enquêtes sur enquêtes pour faire fermer ces repaires antirépublicains.

Auparavant, l’ex-socialiste Castaner avait discrètement, sans effets de manche ni coups de menton, préparé le terrain – ce qui est d’ailleurs la tâche habituelle de la social-démocratie. En novembre 2019, il demandait aux préfets de créer dans chaque département une CLIR (Cellule départementale de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire), afin de repérer et de neutraliser « toutes les atteintes aux principes républicains ».

Il faut s’écarter ici du célèbre proverbe : cette fois, c’est l’idiot qui regarde ce qu’on lui montre, l’islam, tandis que le sage doit voir le doigt. Ou plus exactement la main de fer entrainée à réprimer les musulmans. Car l’essentiel dans cette affaire est d’avoir regroupé au sein de ces cellules des services dépendants de plusieurs ministères (Éducation nationale, Travail, Finances, Santé, Industrie et commerce), des forces de répression (gendarmerie, police, renseignements), des services comme les CAF, l’URSSAF, Pôle emploi, ainsi que l’autorité judiciaire et les élus locaux.

Il s’agissait donc de créer un instrument habituant les services de l’État, les services sociaux, la sécurité à faire front contre l’ennemi commun, l’islam. Castaner fixait comme mission à ces cellules d’avoir une « vision transversale élargie » du danger communautaire et de dresser une cartographie des lieux sensibles. Car dans la novlangue républicaine, « fichier » se dit « cartographie ». On pouvait voir ainsi dans l’Est un chef d’escadron de gendarmerie demander aux services du Travail de lui communiquer toutes les infractions où la communauté tchétchène serait impliquée.

Dirigée par le préfet, cette structure a comme il se doit agi dans l’ombre pour gouverner les ombres. Pourtant l’été dernier, Schiappa avait imprudemment lâché à un journaliste du JDD que des dizaines de milliers d’opérations étaient déjà lancées et des centaines d’établissements fermés, mais il était impossible d’en connaître le détail. Cette répression est terrible, mais là encore l’essentiel se joue sur ceci : habituer les fonctionnaires et les services sociaux à organiser dans l’ombre la chasse aux musulmans, comme un élément naturel de leur mission.

Mais le tableau n’était pas encore satisfaisant pour Darmanin. Car, voyez-vous, certains fonctionnaires, les inspecteurs du travail, prétendaient faire valoir leur statut indépendant, qui les mettait à l’abri des jappements des préfets ou des flics. Ils rappelaient même le fondement de leur mission : être saisis par les salariés, et par eux seuls, pour faire respecter le code du travail, ou par eux-mêmes s’ils le jugeaient bon.

Les services de Darmanin ont donc tenté d’enrôler les inspecteurs du travail. Pas seulement parce que le pouvoir ne veut voir qu’une seule tête, mais pour des raisons pratiques : dans l’état actuel du droit, il est compliqué de fermer tel ou tel lieu pour cause de séparatisme religieux. Il faut donc que les services de santé, du travail, de l’éducation etc. trouvent des raisons dans le droit commun que chacun est censé faire respecter.

C’est là que Darmanin l’incorruptible (et pour cause !) se souvient qu’Al Capone avait été serré pour fraude fiscale. Il a l’idée d’autoriser les CLIR à mobiliser les inspecteurs du travail pour faire le sale boulot : chercher des entorses au droit pour fermer. Parfaite division du travail : la CLIR donne aux inspecteurs une liste des échoppes « à contrôler » (c’est-à-dire à fermer), charge à ceux-ci de trouver le prétexte, hygiène, sécurité, etc.

Cette méthode est clairement énoncée dans une note que révèle le syndicat CGT (qui avec d’autres syndicats refuse ce détournement des missions de l’inspection du travail). Ce document des services du Travail d’Ile-de-France indique : « le rejet des valeurs de la République s’accompagne bien souvent en outre d’un refus d’en respecter ses lois ».

Comme toujours, en particulier en matière de politique xénophobe, l’État créé une situation de fait que la loi viendra ensuite inscrire dans le marbre républicain. Avant même le vote du mois de mars, les services de l’État et les services sociaux sont déjà à la manœuvre, de manière très organisée, sous l’ordre des préfets. Il est important de soutenir les fonctionnaires qui refusent cette chasse aux musulmans (ou prétendus tels) comme le font les inspecteurs du travail et leurs syndicats.

On nous reproche souvent de manier des concepts abstraits sortis de notre cerveau tourmenté d’idéologues (« racisme d’État », « islamophobie »). Eh bien, camarades démocrates, voici très concrètement comment la République construit brique par brique son activité xénophobe, cherchant à y enrôler tous ses services.

Nous l’avons affirmé dès la création de notre Collectif en 2016 : les « guerres anti-terroristes » menées là-bas conduisent inéluctablement à l’état de guerre ici. La lutte doit se mener sur ces deux fronts.

Jeudi 11 janvier 2021

Collectif Ni Guerres Ni État de Guerre

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