Appel du cortège Latinx pour les mobilisations autour du 8 mars

Nous relayons cet appel du collectif Alerta Feminista, dont le contenu nous semble particulièrement intéressant, en ce qu’il se fait l’écho des luttes menées dans différents pays d’Amérique Latine, en les mettant en perspective avec les luttes à mener ici. Le collectif Alerta Feminista, et les autres organisations qui composent le cortège LatinX, seront notamment présents à la marche de nuit qui partira ce samedi 7 mars à 19h de Place des Fêtes direction République, ainsi qu’au village des féminismes qui se tiendra demain dès 14h au CICP. Voir également ici la vidéo de l’appel Féministes Antifa United à ces deux événements.

En ce 8 mars, nous, les étudiantes, les travailleuses – insérées dans le marché du travail, travailleuses du sexe, employées contraintes à l’illégalité, précarisées ou au chômage – , les trans, les migrantes, les mères, les lesbiennes, les bisexuelles, les femmes issues des peuples autochtones, métisses et noires, sortons dans les rues lors de la Journée Internationale de Lutte Pour les Droits des Femmes, en réponse à l’appel des mouvements #NiUnaMenos #EleNão #NiUnxMuertxMás. Malgré l’absence de changements substantiels en ce qui concerne nos revendications, voire l’augmentation des violences et des réactions conservatrices face à nos mobilisations, ces dernières années ont témoigné d’un énorme saut qualitatif en matière d’organisation et de construction dans la lutte pour nos droits. Un mouvement énorme, puissant et international de femmes est né, avec l’objectif de lutter contre le système capitaliste et hétéro-patriarcal qui nous opprime, nous précarise, nous exploite, nous discrimine, nous soumet et nous tue. 

En Argentine, un million de femmes sont descendues dans les rues pour exiger le droit à l’avortement sûr et gratuit pour toutes. Aujourd’hui, plus que jamais, ce droit est proche de devenir réalité, suite à la présentation d’un nouveau projet de loi au Congrès argentin. LA CONQUÊTE DU DROIT À DÉCIDER SUR NOS CORPS DEVIENT CHAQUE JOUR PLUS TANGIBLE. La mobilisation des femmes est sur le point d’obtenir ce grand pas en avant. Beaucoup d’autres objectifs de libération de la femme et des corps féminisés restent des cris de guerre pour toute l’Argentine. Le génoféminicide argentin généralisé est encore impuni par la justice patriarcale. C’est pourquoi en ce 8 mars les Argentines s’unissent dans la sororité pour mettre fin une fois pour toutes à ces injustices, en sortant dans la rue et en unissant nos voix pour un futur à couleur verte, la couleur de la mobilisation féministe en Argentine. 

 En Equateur, le taux de grossesses adolescentes est le troisième plus élevé de la région. La naturalisation de la violence sexuelle dans la vie quotidienne ainsi que des lois injustes, au lieu de réduire ces chiffres, les augmentent. En septembre 2019, pour la deuxième fois, L’ASSEMBLÉE NATIONALE A REJETÉ L’EXTENSION DES CAUSES DE DÉPÉNALISATION DE L’AVORTEMENT AUX CAS DE VIOL, obligeant à mener à terme des grossesses résultant du viol de fillettes, de femmes et de personnes gestantes. Elle fait que ces corps sont soumis à des avortements risqués qui mettent en danger leur santé et leur vie. Les femmes équatoriennes disent non à cet abus patriarcal, non au fait de laisser mourir des filles et des femmes au cours d’avortements dangereux, non à l’obligation de porter les enfants de violeurs. 

Appel du cortège Latinx pour les mobilisations autour du 8 mars

Au Brésil, un million de femmes se sont organisées contre le programme misogyne et réactionnaire de Bolsonaro sous le slogan #MulheresContraBolsonaro. La loi qui autorise l’avortement en cas de viol et la loi Maria de Penha (loi du code pénal brésilien pour lutter contre les violences faites aux femmes) pourraient être remises en cause. Des projets de loi sont prévus pour criminaliser nos mouvements et manifestations contre ce gouvernement misogyne, ultra-religieux, militaire et autoritaire. LA VIOLENCE POLICIÈRE ET CELLE DE LA MILICE CONTINUENT À NOUS TUER. A ce jour, l’assassinat de Marielle Franco n’a toujours pas été jugé. LES TERRITOIRES INDIGÈNES ET AUTOCHTONES SONT ATTAQUÉS. Nous, les Brésiliennes, continuons à lutter tous les jours pour défendre notre démocratie, et aujourd’hui plus que jamais, en ce 8 mars, nous marchons pour les droits de la femme qui sont gravement menacés par ce gouvernement machiste et militariste. 

Au Mexique, où dix filles et femmes sont assassinées chaque jour, les femmes sont sorties dans la rue pour exiger du gouvernement qu’il n’y ait pas un féminicide de plus. Chaque heure, 62 femmes souffrent de violences sexuelles. Les filles abusées sexuellement le sont dans la plupart des cas par un proche ou un membre de la famille. 70% des femmes mexicaines souffrent d’une forme de violence durant leur vie. La violence exercée au Mexique sur les migrantes est identique voire pire, et les femmes indigènes sont encore plus vulnérables. LA TRAITE DES FEMMES SE POURSUIT AU VU ET AU SU DE TOUS : il s’agit de femmes jeunes ou de fillettes qui sont séquestrées pour être utilisées comme esclaves sexuelles à l’intérieur du Mexique ou ailleurs. L’impunité et l’absence de mesures des autorités mexicaines ont provoqué un écoeurement à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Nous, les femmes mexicaines, disons ASSEZ aux abus et à la traite de nos corps. 

Au Salvador, au Nicaragua et au Honduras, l’avortement reste totalement illégal. Non seulement les idéologies évangéliques, mais aussi la religion catholique et toutes les religions conservatrices imprègnent la politique et les institutions, au point que les droits des femmes sont systématiquement niés et remis en cause. De plus, dans ces trois pays LES MOUVEMENTS FÉMINISTES SOUFFRENT D’ATTAQUES EN JUSTICE PERMANENTES. Les conséquences sont évidentes : une absence totale de politiques en faveur des femmes, aucune avancée d’aucune sorte, et une situation bloquée aussi en ce qui concerne les féminicides. Les violences envers nos corps ne sont pas enregistrées, UNE CULTURE DU VIOL DEMEURE, QUI NOUS EMPÊCHE JUSQU’À LA DÉNONCIATION EN JUSTICE. La grève est indispensable pour que les choses commencent à changer, et depuis les Caraïbes nous nous unissons et crions fortement pour que le patriarcat nous écoute et tremble. 

Appel du cortège Latinx pour les mobilisations autour du 8 mars

En Colombie, l’État se targue de vivre en paix depuis la signature du traité avec les FARC en 2019. Cependant, depuis le début de l’année, plus de 267 leaders sociaux ont été assassinés dans le pays. Nous demandons justice pour chacun d’eux et nous nous souvenons avec une douleur particulière de la sage Nasa Indian Virginia Silva, qui, à 71 ans, a été abattue le 7 janvier 2020 chez elle devant son mari. #NiUnxMuertxMás. Des milliers de mères attendent toujours de savoir ce qui est arrivé à leurs filles qui ont été tuées dans les années 2000 par des paramilitaires colombiens. Nous demandons que le gouvernement actuel n’oublie pas l’approche de genre qui a été incluse dans les accords de paix : nous demandons la vérité, la justice et la réparation pour toutes les violences sexuelles, les injustices, le pillage, la torture, les meurtres et les disparitions que des milliers de femmes et personnes issues des minorités de genre ont subi dans le cadre du conflit armé colombien. 

Au Pérou, nous n’oublions pas les stérilisations forcées effectuées sous le gouvernement de Fujimori : nous attendons toujours que justice soit faite. Nous n’oublions pas les cas de viols commis par l’armée péruvienne. NOUS N’OUBLIONS PAS JESSICA SARMIENTO, une travailleuse du sexe, transsexuelle, Péruvienne et migrante en France, qui a été écrasée à Paris en février 2020 par un ou plusieurs individus ayant fui dans le Bois de Boulogne. NOUS N’OUBLIONS PAS VANESA CAMPOS, une autre Péruvienne, transsexuelle, travailleuse du sexe qui a été abattue alors qu’elle travaillait également dans le Bois de Boulogne il y a deux ans. Les femmes migrantes Péruviennes, bis, trans, cis, lesbiennes, hétéros, noirs et blanches disons non à l’inégalité et luttons contre la situation de vulnérabilité à laquelle nous sommes exposées, accentuée par les graves mesures racistes et précaires prises par l’État français en matière d’immigration. 

En Bolivie, les forces patriarcales continuent à nous tuer. Du 1er janvier au 28 février de cette année, 26 féminicides ont déjà été signalés. ILS CONTINUENT À NOUS METTRE EN DANGER. L’ancien président de la République bolivienne était un homme misogyne, tandis que l’actuelle première ministre est une extrémiste de droite et une fanatique de la religion catholique. Dans son premier cabinet, elle a nommé comme ministre l’avocat de la défense de deux personnes accusées de viol aggravé dans l’affaire toujours ouverte du « Troupeau bolivien ». La présidente de la Bolivie compte dans son cabinet actuel des ministres qui rejettent l’avortement pour les filles qui ont été violées, disant que « dès l’âge de 12 ans, elles peuvent déjà concevoir ». Le patriarcat est impuni, nous exigeons de grands changements du système politique, économique et culturel du pays. 

Au Guatemala, nous dénonçons l’instrumentalisation de nos corps et de nos voix, et nous lançons un appel radical contre le système qui nous opprime avec ses politiques, pratiques et décisions interventionnistes qui menacent notre autonomie et notre liberté. L’exacerbation de la violence, du racisme et du harcèlement sexuel à l’égard des femmes s’exprime par la violence féminicide qui sème la terreur dans nos vies et cherche à restreindre nos droits et à limiter la progression de nos luttes dans tous les espaces, y compris le monde virtuel. NOUS NE SUBIRONS PLUS LE RACISME, L’OPPRESSION ET L’EXCLUSION QUI LIMITENT NOS POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPEMENT, en particulier pour les femmes mayas, xinka, garifuna et d’ascendance africaine, métisses et ladinas des zones rurales, ainsi que pour les femmes autochtones des peuples opprimés de la région d’Amérique centrale. 

Au Chili, bien qu’ils essaient de nous effrayer et de violer nos corps, nous sommes une vague qui inonde les rues d’art, de créativité et de rage. Avec leur création « Un violador en tu camino », le collectif chilien Las Tesis a fait danser des femmes du monde entier pour dénoncer l’État violeur, la société patriarcale, les présidents et la connivence des systèmes judiciaires. Il y a quatre ans, Nabila Rifo a été « jetée » dans une rue du sud du Chili. Son ex-partenaire lui avait arraché les yeux. Aujourd’hui, après l’explosion sociale, plus de 400 personnes ont perdu les yeux suite à des violences policières. La police reproduit cette même violence patriarcale. Parmi les milliers de détenues, beaucoup signalent des violences sexuelles, ce qui rappelle les violences policières du passé. Nous, les femmes, sommes en première ligne de cette lutte : NOUS nous réveillons, nous résistons, nous fleurissons, nous nous renforçons. 

Appel du cortège Latinx pour les mobilisations autour du 8 mars

Nous, membres des collectifs signataires de cette déclaration, nous les femmes issues des pays d’Amérique Latine, n’oublions pas tout ce que nous subissons, ni toutes les luttes que nous menons contre les injustices qui nous sont faites, dans notre région, y compris dans des pays qui ne sont pas mentionnés ici, et ailleurs dans le monde. 

En ce 8 Mars, nous sortons dans les rues pour crier haut et fort: 

Parce que beaucoup de femmes migrantes subissent toutes sortes de violences, avec des conditions de travail épouvantables ; parce que celles d’entre elles qui sont en situation irrégulière n’ont pas accès aux soins ; 

Parce que les effets pervers des politiques migratoires des pays de la région, en particulier aux États-Unis, aggravent le racisme contre la population immigrée, en particulier contre les enfantEs et les femmes immigrées, exposées à des conditions inhumaines sur le chemin migratoire, à la violence et aux abus sexuels, aux disparitions et aux décès, ainsi qu’aux déportations qui affectent des milliers de familles, creusant encore plus profondément les écarts structurels d’inégalité ; 

Parce que le droit à la terre n’est pas respecté, et que des femmes amérindiennes assistent à la fin de la démarcation de leurs territoires au profit de l’agrobusiness, des projets miniers et des scieries ; 

Parce que les personnes LGBTIQ+ sont invisibilisées, discriminées et persécutées aussi bien dans le monde du travail que dans le monde universitaire et académique ; 

Parce que l’espérance de vie d’une personne Trans en Amérique Latine ne dépasse souvent pas les 35 ans ; 

Parce que lorsque nous voulons changer la condition des personnes précarisées dans la sphère politique, nous courons le risque d’être assassinées par des milices liées à l’État ; 

Parce que les travaux domestique et reproductif, essentiels au maintien de la vie, principalement effectués par nous les femmes, sont invisibilisés ; 

Parce que nous sommes assassinées et que nous subissons des violences sexistes, que ces assassinats sont le produit d’une violence structurelle et systémique, le dernier maillon d’une longue chaîne de violences, nourries par une éducation machiste, cautionnées par des institutions complices et imposées par un système capitaliste cruel, lui-même directement réapproprié par le patriarcat pour exploiter au maximum nos corps et nos vies ; 

Parce que les restrictions budgétaires dans la santé, les services sociaux, l’éducation et la dépendance se font au détriment de notre travail et de notre temps. Parce que le manque de moyens dans les services de santé, d’éducation et d’aide à la personne fait obstacle à l’émancipation des femmes, qui se voient obligées de prendre individuellement en charge toutes ces responsabilités ; 

Parce que le manque d’accès à une éducation sexuelle de qualité, à des moyens de contraception et à des méthodes d’avortement sûrs nous obligent à décider entre l’asservissement à une maternité non choisie ou le danger d’un avortement clandestin dans des conditions qui mettent nos vies en péril ; 

Parce que l’avortement est encore aujourd’hui un privilège de classe, que nos corps ne sont pas des territoires de conquête, que nos corps et nos désirs nous appartiennent ; 

Parce que l’exploitation capitaliste, s’appuyant et se nourrissant des systèmes d’oppression, renforce et perpétue les violences multiples envers les femmes et les personnes LGBTIQ+ ; 

Pour que tous nos droits en tant que femmes soient reconnus, pour les luttes décrites ici et celles que nous menons chaque jour pour être respectées ou tout simplement pas abusées ou tuées, et en hommage à toutes nos soeurs, victimes du génoféminicide mondial, qui ne sont plus parmi nous pour se faire entendre, nous élevons nos voix, en ce 8 mars. 

NOUS DISONS : moins de prisons et plus d’accès à une éducation féministe ! Pas de nationalisme dans nos féminismes, pas de marchandage de nos fiertés. Nous refusons l’instrumentalisation de nos luttes par les médias et les appareils de l’État. Face au système mondial qui perpétue les violences contre les femmes : solidarité féministe et internationaliste! 

Partager